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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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elle se jeta dans les bras de sa marraine comme la petite fille
     qu’elle était encore par moments.
    — Allons, allons, c’est pas grave, c’est moé qui aurais pas dû perdre patience.
     Ton Henry a l’air d’être un jeune homme comme il faut pis très amoureux de toé,
     ajouta-t-elle en pinçant affectueusement la joue de sa fille. Quand on va
     revenir à Montréal, on va faire plus connaissance tous les trois.
    — Vous savez, marraine, la plupart des filles de mon âge sont mariées… l’agaça
     Julianna.
    — Quoi ? Es-tu en train de m’dire qu’il t’a déjà fait la grande demande ?
    Julianna se mit à rire devant l’air éberlué de sa tante.
    — Pas encore, mais… je pense que c’est pour bientôt.
    — Pis tu vas répondre quoi ? s’alarma Léonie.
    — Je sais pas… je disais surtout ça pour que vous arrêtiez de me surveiller
     sans arrêt.
    — Julianna, t’es impossible ! On a beau être en 1924, y a une limiteà ce qu’une jeune fille peut faire seule ! Bon, allez, on se
     chicane pus.
    — Est-ce que j’apporte ma nouvelle robe de dentelle blanche ?
    — Ma chérie, t’as vraiment aucun sens pratique. J’aurais du t’envoyer à l’école
     ménagère aussi…
    — Pour apprendre à devenir une bonne épouse ! Non, merci !
    — Alors, la réponse à Henry va être négative ?
    — J’ai pas dit ça ! Oh marraine, vous m’asticotez, là…
    Et elle se mit à rire de nouveau.
    De toute façon, Julianna était déterminée à apporter sa robe blanche. Elle
     était si jolie dedans, une vraie princesse ! Tiens, même que c’était celle-là
     qu’elle porterait pour prendre le bateau, décida-t-elle. Elle voulait que son
     autre famille meure de jalousie en la voyant. Elle leur montrerait qu’elle avait
     pu fort bien se passer d’eux ! Elle se voyait déjà, immaculée dans sa robe, son
     chapeau assorti, juste bien enfoncé, mettre pied pour la première fois sur la
     Pointe-Taillon, tout le monde se retournerait sur son passage…

    Tout le monde se retourna effectivement sur son passage, mais pas exactement
     comme elle l’avait prévu. Autour d’elle cet après-midi-là, les gens
     s’étouffaient plus de rire que d’admiration. Au début de la traversée, tout
     s’était passé à merveille sauf que Julianna avait bien vite constaté, à la
     nausée qui l’envahissait, qu’elle n’avait pas le pied marin. À Montréal, elle
     voyageait toujours en train, en taxi automobile ou en gros char, jamais en
     bateau ! Trop fière pour être malade, elle avait réussi à se maîtriser en
     respirant profondément, les lèvres et le nez pincés par tant de contrôle. Quand
     elle s’était rendu compte que son calvaire n’était pas terminé et qu’il fallait
     qu’elle et sa tante embarquent sur un deuxième bateau pour, cette fois,
     traverser larivière Péribonka, elle avait cru s’évanouir de
     déception. C’est en empruntant enfin la passerelle libératrice, trop pressée de
     retrouver la terre ferme, qu’un étourdissement l’avait piégée. Ses pieds avaient
     dépassé le rebord et elle s’était retrouvée, dans le temps de le dire, en train
     de prendre un bain forcé. Les deux matelots de surveillance réagirent rapidement
     et ils eurent tôt fait de hisser la maladroite à bout de bras sur le quai du
     débarcadère, saine et sauve mais en piteux état. L’un d’eux lui tendit son
     chapeau tout déformé en essayant de ne pas trop rire, tandis que l’autre
     s’informait de son état de santé.
    — Oh ! ça va, ça va ! ragea Julianna, vous pouvez retourner à vos occupations,
     je me suis pas noyée, quand même. Oh marraine, de quoi j’ai l’air astheure ? se
     lamenta Julianna.
    — Ben… disons que… Léonie ne put continuer.
    Elle ne put se retenir de rire à la vue de sa filleule si guindée auparavant et
     dans un état si lamentable maintenant.
    — Vous êtes certainement matante Léonie, intervint tout à coup un grand jeune
     homme. J’me souviens de vos fous rires avec maman, vous riez encore
     pareil.
    — Ti-Georges ! s’exclama Léonie en se retournant subitement. Ti-Georges, c’est
     pas vrai, mais t’as ben grandi ! Oh ! Ti-Georges, que c’est plaisant de te
     revoir !
    Léonie n’en revenait pas. Elle avait beau s’être préparée à l’idée, c’était un
     choc que de voir cet enfant devenu un homme. Elle le serra dans ses bras, deux
     fois plutôt qu’une,

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