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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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s’écria Georges en
     riant.
    Il redonna le couvre-chef à sa propriétaire avant de mettre en garde son
     meilleur ami.
    — Fais attention à toé, mon François-Xavier ! C’est p’t-être pas une princesse
     que tu transportes, mais une vilaine sorcière qui pourrait te jeter un
     sort !
    Et en ricanant, fier de son coup, il rejoignit sa tante qui l’attendait, déjà
     installée sur l’étroit siège de la voiture à cheval. Puis, sans plus attendre,
     il s’engagea sur le chemin du retour.
    — Faites pas attention à lui, y est pas capable d’être sérieux deux minutes,
     surtout quand y est gêné, on dirait qu’y fait exprès, excusa François-Xavier
     après le départ de son ami. Y est p’t-être un peu agaçant, mais c’est un moyen
     bon vivant aussi. Y a un cœur en or, vous verrez. Allez hue, cheval, hue !
    Le petit attelage trottinait en avant, Léonie n’ayant de cesse de poser des
     questions. La grosse carriole suivait, plus silencieuse que celle de leurs
     prédécesseurs. François-Xavier fouilla dans sa poche et tendit un petit flacon à
     sa passagère en expliquant :
    — C’est le pire temps de l’année pour les mouches noires. Sur le bord de l’eau,
     on est correct, mais à l’abri du vent, c’est pas tenable ! Mettez-vous ça dans
     la face, ça devrait les tenir éloignées.
    — C’est quoi ? Pouah ! Ça sent le diable ! s’écria Julianna en
     plissant le nez après avoir ouvert la petite bouteille.
    — C’est une recette qui vient des Indiens. C’est… une personne que
     j’connaissais qui me l’a montrée. Allez, mettez-en avant qu’on rentre dans la
     forêt. L’attelage de Ti-Georges est léger, mais nous, chargés comme on est, les
     bébittes vont avoir en masse le temps de nous bouffer.
    — Non merci. Imaginez-vous donc, monsieur Rousseau, que j’ai déjà vu des
     mouches noires dans ma vie pis que je suis capable de m’en défendre sans avoir à
     puer l’huile de mouffette, riposta la jeune fille en redonnant le petit pot au
     conducteur.
    Résigné, François-Xavier rempocha le flacon et continua lentement sa route. Peu
     après, le chemin se rétrécissait et ils pénétrèrent dans la partie boisée. Le
     vent, qui jusque-là les avait protégés par sa brise, disparut dans les arbres et
     une véritable nuée de mouches noires, ces minuscules bestioles qui vous brûlent
     de leurs morsures microscopiques, se ruèrent sur leurs proies. La femelle, avec
     sa peau tendre et douce et parfumée, les attirait particulièrement. La robe
     blanche de Julianna devint rapidement tachetée de noir. Elle avait des mouches
     dans les oreilles, les yeux, le nez ! Elle en mangea certainement une ou deux !
     Ses mains virevoltèrent, essayant d’écraser ces dévoreuses. Elle secoua sa tête
     de gauche à droite, tentant de les souffler au loin, mais il n’y avait pas moyen
     de s’en débarrasser !
    François-Xavier examina furtivement sa compagne. Elle ne disait toujours rien.
     De longues traînées de sang coulaient derrière ses oreilles et elle ne cessait
     de gesticuler comme une girouette. Plus maniable, le boghei avait pris de
     l’avance, les laissant loin derrière. Le jeune homme hésita, ce ne serait pas
     très convenable d’arrêter la wagonne, mais il ne pouvait tout de même pas la
     laisser se faire manger toute crue. D’un geste sec, il prit sa décision et tira
     sur les rênes. Lescoinçant entre ses cuisses, il ressortit de
     sa poche l’anti-moustique, s’en versa une énorme quantité dans les mains et,
     sans attendre le consentement ou les reproches de Julianna, il se mit à la
     huiler lui-même.
    — Hé, qu’est-ce que vous faites ! Ah non ! se défendit Julianna en se
     reculant.
    Mais François-Xavier l’agrippa solidement et continua à lui enduire le visage
     de lotion. Sur le coup, il n’y avait aucune douceur dans ce geste ; il la
     frictionna vigoureusement sur les joues, le front, ayant repoussé le chapeau,
     impatienté par tant d’inconscience. Mais, petit à petit, sans qu’il n’y puisse
     rien, ses doigts ralentirent, se firent caressant et glissèrent le long du cou
     gracile. Il était penché sur elle, il ressentait la chaleur de son corps, tout
     près, si près… trop près. François-Xavier contempla la jeune femme. Les courts
     cheveux blonds coupés à la mode du temps frisottaient un peu en séchant. Qu’elle
     était belle, mais belle ! Il allait l’embrasser, il

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