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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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prit le temps de bien réfléchir avant de répondre :
    — Ben moé, j’pense que tu devrais la laisser quelques jours tranquille avant
     d’aller lui tourner autour. C’est un peu spécial, tu sais, cette histoire-là…
     Léonie, euh… mademoiselle Coulombe pis la p’tite qui reviennent après tant
     d’années…
    Un long silence s’installa. Le père reprit :
    — Si cette créature-là t’est destinée, a va ben t’attendre un peu, sinon…
    Ernest démontrait un calme qu’il était loin de ressentir. Il était très nerveux
     à l’idée de revoir Léonie.
    — Vous êtes toujours de bon conseil, comme d’habitude.
    François-Xavier hésita avant de poser une question qui le hantait depuis
     longtemps.
    — Pourquoi que vous vous êtes jamais remarié après la mort de… votre femme ?
     osa-t-il demander.
    Baptême, il fallait vraiment que cette fille lui ait fait un gros effet pour
     qu’il ose lui parler de Rose-Élise, s’étonnait Ernest.
    — Allume-toé donc une bonne pipée, toé aussi. On va jaser un peu tous les deux,
     la soirée est jeune.

    — Dis-moé la vérité, Ti-Georges, est-ce que ton père est si mal
     en point que ça ? demanda Léonie.
    Ils étaient arrivés il y avait de cela une demi-heure environ. Le jeune
     Rousseau avait débarqué les bagages avant de s’en retourner à sa ferme. Julianna
     et elle avaient fait connaissance avec Marguerite, la jeune épouse de
     Ti-Georges, et rencontré leurs deux petits garçons. Marguerite avait gentiment
     offert à Julianna de lui monter de l’eau chaude et de l’aider à faire un brin de
     toilette. Léonie profita de ce moment de solitude avec son neveu pour parler
     sérieusement. Assis tous les deux au salon, elle repoussait le moment où elle
     devrait affronter Alphonse qui, alité dans sa chambre, attendait la visite des
     deux femmes.
    — Ben, le docteur dit qu’y devrait pas passer le prochain hiver. Il aurait
     quelque chose en dedans qui le ronge… Vous savez que papa a coupé complètement
     la boisson ?
    — Y boit pus pantoute ?
    — Pus une goutte ! Ça va faire un bon deux ans. Depuis qu’y s’est décidé
     d’aller dans ses réunions de tempérance. Une fois par mois à Péribonka.
    — Bonne nouvelle, ça. Maudite boisson, ça brise des vies.
    — Ouais, mais ça lui a pas arrangé le caractère au père, vous allez
     voir !
    — Est-ce qu’y t’a dit ce qu’y m’voulait ? Dans sa lettre y écrivait que c’était
     ben important qu’y me voie moé itou, pas juste Julianna.
    — Le père est ben fatigué. Y dit qu’y veut pas prendre de chance pis être prêt
     pour le grand Jugement. C’est pour ça qu’y vous a fait venir. En tout cas, c’est
     ce qu’y m’a dit. Vous nous avez manqué, matante Léonie, ajouta Georges, ému, et
     pour se donner une contenance, ilplaisanta : surtout vos bonnes
     crêpes que vous nous faisiez pour nous gâter. J’m’en souviens encore, vous
     savez !
    — Tu te souviens-tu aussi de la chicane entre moé pis ton père ? demanda
     Léonie, qui voulait profiter de ce tête à tête pour aller au fond des
     choses.
    — J’veux pas en parler matante…
    Léonie respecta le désir de son neveu. Après un court silence, elle dit
     doucement :
    — Comment ç’a été pour toé après mon départ ?
    — Entre le père pis moé, ça marchera jamais, mais c’est pas grave. J’ai ma
     Marguerite astheure pis mes deux p’tits monstres à moé.
    — T’as une belle p’tite famille, Ti-Georges. Chus ben contente de voir que t’es
     devenu un homme pis j’va t’en faire des crêpes, pas plus tard que demain matin à
     part de ça ! Mais pour le moment, va avertir ton père que j’m’en viens le
     voir.
    Elle suivit des yeux son neveu qui obtempérait. Trouverait-elle le courage de
     le suivre, de pénétrer dans cette chambre, de revoir son beau-frère ? Elle prit
     une grande respiration pour ne pas défaillir et se dirigea vers la chambre du
     malade. Ti-Georges en ressortait. Sans un mot, il fit signe à Léonie qu’Alphonse
     l’attendait et la laissa seule sur le seuil de la pièce. Fermant un peu les
     yeux, Léonie crut revoir le sang, sa sœur, le bébé… non ! « Chasse tout ça de
     ton esprit, Léonie Coulombe. T’es pus une enfant qui a peur des ombres ! »
     Léonie reprit ses sens et entra dans la chambre. Tranquillement, elle regarda
     autour d’elle ; la commode, la chaise, le lit… En dix-neuf

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