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La Comte de Chanteleine - Épisode de la révolution

La Comte de Chanteleine - Épisode de la révolution

Titel: La Comte de Chanteleine - Épisode de la révolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Verne
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violente ; des empreintes de coups de hache sur les portes, des éraflures de balles sur les vieux troncs de chêne, des instruments de labourage brisés, tordus, des charrettes culbutées, des roues dépourvues de leurs jantes attestaient la violence de la bataille ; les cadavres d’animaux, de vaches, de chevaux abandonnés, infectaient l’air !
    Le comte sentit ses jambes fléchir sous lui.
    – Les Bleus ! toujours les Bleus ! répéta Kernan d’une voix sourde.
    – Au château ! s’écria le comte en poussant un cri terrible.
    Et cet homme qui, tout à l’heure, se soutenait à peine, Kernan avait maintenant de la peine à le suivre.
    Pendant cette course, pas un être humain n’apparut dans les chemins défoncés ; le pays était non pas désert, mais déserté.
    Le comte traversa le village. La plupart des maisons étaient brûlées ; quelques-unes encore debout, mais vides. Pour que ce pays fût ainsi dépeuplé, il fallait qu’un souffle de vengeance eût passé sur lui.
    – Oh ! Karval ! Karval ! murmurait le Breton entre ses dents.
    Enfin, le comte et Kernan arrivèrent devant la porte du château ; l’incendie l’avait respecté ; mais il demeurait sombre, silencieux ; pas une cheminée qui lançât dans l’air son panache de fumée matinale.
    Le comte et Kernan se précipitèrent vers la porte, et s’arrêtèrent épouvantés.
    – Vois ! vois ! dit le comte.
    Une affiche énorme était collée sur l’un des montants ; elle portait en tête l’œil de la loi, des faisceaux de piques et de rameaux surmontés du bonnet phrygien. D’un côté se trouvait la description du domaine, de l’autre son évaluation.
    Le château de Chanteleine, confisqué par la République, était à vendre.
    – Les misérables ! s’écria Kernan.
    Il essaya d’ébranler la porte ; mais, malgré sa force prodigieuse, il ne put y parvenir. Elle résistait obstinément ; le comte de Chanteleine ne pouvait pas même se reposer un instant dans le manoir de ses ancêtres ! sa propre porte restait fermée pour lui. Il était en proie au plus affreux désespoir !
    Ma femme ! ma fille ! s’écriait-il avec un accent impossible à rendre ! Où est ma femme ? mon enfant ? ils les ont tuées ! ils les ont tuées !…
    De grosses larmes roulèrent sur les joues de Kernan, qui tâchait en vain de consoler son maître.
    – Il est inutile, dit-il enfin, de nous obstiner devant cette porte qui ne s’ouvrira pas !…
    – Où sont-elles ? où sont-elles ? criait le comte.
    En ce moment, une vieille femme, blottie dans le fossé, se leva tout d’un coup. Elle eût fait mal à voir à des yeux moins consternés ; sa tête d’idiote remuait stupidement.
    Le comte courut à elle.
    – Où est ma femme ? dit-il.
    Après de longs efforts, la vieille répondit :
    – Morte dans l’attaque du château !
    – Morte ! s’écria le comte avec un rugissement.
    – Et ma nièce ? demanda Kernan en secouant violemment la vieille femme.
    – Dans les prisons de Quimper ! dit enfin celle-ci.
    – Qui a fait cela ? demanda Kernan avec un accent terrible.
    – Karval ! répondit la vieille femme.
    – À Quimper ! s’écria le comte. Viens, Kernan, viens !
    Et ils quittèrent cette malheureuse, qui, seule, presque à son dernier souffle, représentait tout ce qui restait de vivant au bourg de Chanteleine.

V – QUIMPER EN 1793
     

    Quimper avait vu tomber la première tête sous la hache républicaine, celle d’Alain Nedelec, et le clergé breton compta dans cette ville son premier martyr, l’évêque Conan de Saint-Luc. Depuis ce jour, Quimper fut livré à l’arbitraire des républicains et de la Municipalité.
    Il faut dire que les Bretons des villes se distinguèrent par leur furie républicaine ; ils furent hardis à se jeter dans le mouvement national ; ces énergiques natures ne connurent aucune borne dans le bien ni dans le mal ; aussi les premiers héros du 10 août, qui envahirent les Tuileries et suspendirent le roi Louis XVI, furent-ils les fédérés de Brest, de Morlaix, de Quimper, levés à la voix de l’Assemblée législative, quand le 11 juillet 1792, en présence de la Prusse, du Piémont et de l’Autriche, coalisés contre la France, elle déclara « la patrie en danger ».
    Aussi leurs services furent si bien appréciés, que le Club breton de Paris forma le noyau du futur Club des jacobins ; et, plus tard, la section du faubourg Saint-Marceau

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