Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Comte de Chanteleine - Épisode de la révolution

La Comte de Chanteleine - Épisode de la révolution

Titel: La Comte de Chanteleine - Épisode de la révolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Verne
Vom Netzwerk:
ils ne purent y parvenir ; d’ailleurs, quelques minutes après leur arrivée, ce spectacle se termina, car le populaire se prit tout d’un coup à refluer ; les bras furent agités, les figures se retournèrent, et les vociférations s’éteignirent peu à peu.
    Alors des crieurs se firent jour en lançant à la foule -les noms des victimes.
    – Exécution du 6 nivôse de l’an II de la République ! Qui veut la liste des condamnés ?
    Le comte regarda Kernan d’un œil hagard.
    – Voilà ! voilà, continuaient les crieurs, le curé Fermont !…
    Le comte serra la main de Kernan à la briser.
    – La demoiselle de Chanteleine !
    – Ah ! fit le comte en poussant un cri épouvantable.
    Mais Kernan lui mit la main sur la bouche, le reçut dans ses bras comme il s’évanouissait, et, avant que les témoins de la scène eussent pu la comprendre, il entraîna son maître dans une rue écartée.
    Pendant ce temps, d’autres noms étaient jetés à la foule, et ce cri retentissait de toutes parts :
    – Mort aux aristocrates !… Vive la République !…

VI – L’AUBERGE DU TRIANGLE-ÉGALITAIRE
     

    La position de Kernan était terrible ; il fallait mettre le comte à l’abri de tout regard avant qu’il reprît connaissance. Ses premières paroles ne pouvaient manquer de le trahir ! Il redemanderait sa fille à grands cris et décèlerait le comte de Chanteleine sous l’habit du paysan breton.
    En courant à travers les rues, Kernan avisa une sorte d’auberge devant laquelle il s’arrêta, traînant ou plutôt portant son maître.
    L’auberge avait une enseigne ornée de tous les agréments de l’époque, tels que piques et faisceaux romains, avec ces mots :
    Au Triangle-Égalitaire
    CHEZ MUTIUS SCEVOLA
    Loge à pied et à cheval
    « Une auberge de bandits, se dit-il, eh bien ! nous y serons plus en sûreté. D’ailleurs je n’ai pas le choix. »
    Il avait si peu le choix qu’il n’eût pas rencontré dans la ville un cabaret sans une enseigne civique.
    Il entra donc dans la salle basse, déposa son fardeau inerte sur une chaise et demanda une chambre. L’hôtelier, Mutius Scévola en personne, arriva :
    – Que veux-tu, citoyen ? demanda-t-il d’un ton bourru au Breton.
    – Une chambre.
    – Et tu paies ?
    – Pardieu ! répondit Kernan, on n’a pas dévalisé les chouans pour rien. Tiens, d’avance ! ajouta-t-il en jetant quelques pièces de monnaie sur la table.
    – De l’argent ! fit l’aubergiste, plus habitué au papier qu’au métal.
    – Et du bon, avec la face de la République dessus.
    – Bien ! on va te servir. Mais qu’a-t-il donc, ton ami ?…
    – Mon frère, entends-tu, si ça ne t’écorche pas trop le gosier ; en fouaillant notre bidet pour arriver à temps…
    – À l’exécution ! dit l’aubergiste en se frottant les mains.
    – Comme tu dis, répondit Kernan sans sourciller ; nous avons fait un saut dans le fossé ! la bête s’est tuée du coup, et celui-là n’en vaut guère mieux ! Mais assez causé pour le moment. J’ai payé ! Ma chambre ?
    – Bon ! bon ! on va te servir. Tu n’as pas besoin de faire le méchant. Ce n’est pas de ma faute si tu es arrivé trop tard. Mais puisque tu as manqué l’exécution des brigands, je te donnerai des détails.
    – Tu y étais ?
    – Parbleu ! à deux pas du citoyen Guermeur.
    – Un rude lapin, celui-là ! riposta Kernan, qui ne connaissait pas même ce nom.
    – Je t’en réponds ! répondit l’aubergiste.
    – Eh bien ! à tout à l’heure, citoyen Scévola !
    Scévola fit monter au second étage le Breton qui avait repris son fardeau.
    – As-tu besoin de moi ? demanda-t-il quand il fut arrivé.
    – Ni de toi, ni de personne, répondit le Breton.
    – Il n’est pas poli, mais il paie ! murmura Scévola, c’est une compensation.
    Quelques instants plus tard, Kernan se trouvait seul en présence de son maître inanimé, et il donnait enfin un libre cours à ses larmes ; tout en pleurant, cependant, il prodigua au comte ses soins les plus intelligents ; il humecta son front décoloré et il parvint à le ramener au sentiment. Mais il eut la précaution de lui mettre la main sur la bouche et d’arrêter la première explosion de sa douleur.
    – Oui, notre maître, lui dit-il, pleurons ! mais pleurons tout bas ; il ne nous est pas permis de gémir ici !
    – Ma femme ! ma fille ! répétait le comte au milieu de ses sanglots, est-ce

Weitere Kostenlose Bücher