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La Comte de Chanteleine - Épisode de la révolution

La Comte de Chanteleine - Épisode de la révolution

Titel: La Comte de Chanteleine - Épisode de la révolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Verne
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qu’à mourir, et je mourrai pour la sainte cause !
    – Oui, dit Kernan, nous irons dans l’Anjou, rejoindre les chouans qui s’agitent.
    – Nous irons.
    – Dès aujourd’hui.
    – Demain ; j’ai ce soir un dernier devoir à remplir.
    – Et lequel, notre maître ?
    – Je veux aller au cimetière, cette nuit, prier sur cette fosse commune où ils ont jeté le corps de mon enfant.
    – Mais… fit Kernan.
    – Je le veux, répondit le comte d’une voix douce.
    – Nous prierons ensemble, dit doucement le Breton.
    Le reste de la journée se passa à pleurer ; ces deux pauvres hommes, la main de l’un dans la main de l’autre, ne furent tirés de leur douloureux silence que par les chants, des démonstrations de joie qui retentirent dans la rue.
    Le comte ne bougea pas ! rien ne pouvait le distraire ; Kernan alla vers la fenêtre ; un cri terrible faillit lui échapper, mais il se contint et ne voulut même pas faire part au comte de ce qu’il venait de voir.
    Karval, accompagné de sa horde sanglante, rentrait dans Quimper, hideux, ensanglanté, presque ivre, poussant devant lui des vieillards, des blessés, des femmes, des enfants, pauvres prisonniers vendéens arrachés à la déroute de la grande armée et destinés à l’échafaud.
    Il était à cheval, et tous les bandits de la ville le suivaient, en l’accablant de bruyantes acclamations.
    Décidément, ce Karval devenait un personnage.
    Quand il fut passé, Kernan revint près du comte et lui dit à voix basse :
    – Vous avez raison, notre maître, ce n’est pas aujourd’hui qu’il faut partir !

VII – LE CIMETIÈRE
     



Le soir arriva. Le temps avait changé ; la neige tombait. À huit heures, le comte se leva et dit :
    – Il est temps, partons !
    Kernan, sans répondre, ouvrit la porte et prit les devants. Il espérait éviter la rencontre de Scévola, mais celui-ci, l’entendant descendre, quitta la salle basse par instinct d’aubergiste, et se trouva sur le passage du Breton.
    – Tiens ! dit-il, tu pars, citoyen ?
    – Oui, mon frère va mieux !
    – Un mauvais temps pour se mettre en route ! Il ne peut donc pas attendre à demain ?
    – Non ! répliqua Kernan, qui ne savait pas trop que dire.
    – À propos, dit Scévola, tu sais que le vertueux Karval est rentré à Quimper ?
    – Précisément, fit le Breton, nous allons à l’évêché lui rendre visite.
    En prononçant ces mots, il s’était retourné vers le comte, qui n’avait heureusement pas entendu ce nom fatal.
    – Ah ! vous allez le voir à l’évêché ? reprit l’aubergiste.
    – Comme tu dis, et je t’assure que notre visite ne lui fera pas de peine.
    – Hé ! hé ! répondit Scévola en riant grossièrement, quelque dénonciation de prêtres ou d’émigrés.
    – Peut-être ! fit Kernan en prenant le bras de son maître et en l’entraînant vers la porte.
    – Allons, bonne chance, citoyen !
    – Au revoir ! répondit le Breton.
    Et il sortit enfin de l’auberge.
    La ville semblait déserte ; un silence profond régnait dans les rues assourdies par la neige.
    Le comte et son compagnon rasaient les maisons ; le premier se laissait conduire ; il ne s’apercevait pas du froid. Depuis sa résolution d’aller prier sur la tombe de sa fille, il n’avait pas prononcé une parole et s’était complètement absorbé dans sa douleur. Kernan respectait ce silence.
    Au bout de vingt minutes, les murs du cimetière apparurent dans l’obscurité. À cette heure, les portes en étaient fermées. Peu importait, d’ailleurs ; le Breton n’avait pas l’intention d’y pénétrer par l’entrée publique et de se faire voir du gardien.
    Il tourna donc les murs pour trouver un endroit propice à son escalade. Le comte le suivait avec une obéissance passive, comme un enfant ou comme un aveugle.
    Après avoir longtemps cherché, le Breton arriva à une place où le mur déchaussé avait cédé en partie, et laissait une brèche praticable. Kernan s’élança sur les pierres ; à peine retenues dans un ciment de neige et de boue ; de là, il tendit la main à son maître, et pénétra avec lui dans le cimetière.
    La blancheur de ce champ du repos offrait une pénible contemplation à la vue. Quelques tombes de pierre, de nombreuses croix de bois noir, étaient revêtues du linceul blanc de l’hiver ; spectacle triste que ce cimetière en deuil ! il venait involontairement à l’esprit que ces pauvres morts

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