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La Comte de Chanteleine - Épisode de la révolution

La Comte de Chanteleine - Épisode de la révolution

Titel: La Comte de Chanteleine - Épisode de la révolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Verne
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craignez rien, notre maître, dit Kernan en soulevant la tête de la jeune fille ; c’est une crise qui passera !
    En effet, au bout de quelques instants, Marie reprit connaissance, et ses larmes coulèrent en abondance. Enfin, ses sanglots s’arrêtèrent, et le comte put l’interroger.
    – Mais quel miracle t’a soustraite à la mort, mon enfant ? demanda-t-il.
    – Je l’ignore, mon père ! J’ai été traînée mourante à l’échafaud ! Je n’ai rien vu, rien entendu ! et je me suis retrouvée ici !
    – Parlez donc, monsieur de Trégolan, parlez ! dit le comte.
    – Monsieur le comte, répondit le chevalier, ma sœur avait été jetée dans les prisons de Quimper ; désespéré, je courus à Paris, et après de longues sollicitations j’obtins sa grâce de Couthon, auquel ma famille avait autrefois rendu service. Je revins à Quimper avec l’ordre signé, et, malgré mes efforts, je suis arrivé trop tard !…
    – Trop tard ?…
    – La tête de ma pauvre sœur, reprit le chevalier en sanglotant, venait de rouler sur l’échafaud en ma présence !…
    – Oh ! oh ! fit le comte en saisissant les mains du jeune homme.
    – Comment ne suis-je pas tombé mort ?… comment n’ai-je pas crié ?… comment n’ai-je pas redemandé celle dont j’avais la vie entre les mains ?… Je ne puis vous le dire, mais le Ciel m’envoya une inspiration dont je le remercie. Toutes ces malheureuses victimes étaient là pêle-mêle ; les exécuteurs ne les reconnaissaient même pas ! Ais moment où M lle  de Chanteleine montait évanouie au bras du bourreau, je m’avançai, je fis un effort surhumain, et je dis :
    " – Grâce ! grâce ! c’est ma sœur !…
    " Et il fallut bien me la rendre, et je la transportai chez cette bonne dame. Voilà pourquoi vous m’avez vu priant ce soir sur la tombe de celle qui n’est plus !
    Le comte s’était levé.
    – Mon fils ! dit-il au chevalier en s’agenouillant devant lui.
    Kernan, étendu à terre, couvrait de ses larmes les pieds du jeune homme.

VIII – LA FUITE
     

    On peut se figurer quelle nuit le comte passa près de sa fille sauvée de la mort. S’il ressentit plus vivement alors la perte de la comtesse, s’il entretint Marie de sa pauvre mère, une sainte et une martyre, toutes ces douleurs furent pourtant mêlées d’une joie immense ; quelles prières de miséricorde il éleva vers le ciel pour sa femme morte, de reconnaissance pour sa fille vivante et pour son sauveur !
    Kernan avait dit au jeune homme :
    – Monsieur le chevalier, vous avez en moi un chien dévoué, et tout mon sang ne payera pas ce que vous avez fait là !
    Pauvre jeune homme ! on sentait que toute cette joie devait être désolante pour lui, car elle était payée de la mort de sa sœur.
    Le matin venu, Kernan songea au plus pressé ; on ne pouvait demeurer dans cette maison sans mettre en danger la vie de la vieille dame ; on résolut donc de partir et, provisoirement, Kernan dut renoncer à sa vengeance contre Karval. Actuellement, le salut de sa nièce Marie passait avant tout.
    On discuta le parti à prendre.
    – Monsieur le comte, dit le chevalier de Trégolan, j’avais tout disposé pour mettre ma pauvre sœur en lieu de sûreté dans une cabane de pêcheur, au village de Douarnenez ; voulez-vous y venir attendre des jours meilleurs ou une occasion de quitter la France ?
    Le comte regarda Kernan.
    – Allons à Douarnenez, répondit celui-ci ; l’avis est bon, et si on ne peut s’embarquer, nous tâcherons de nous cacher si bien qu’on ne soupçonne pas notre présence.
    – Je conseille de partir ce matin même, dit le chevalier ; il ne faut pas perdre un instant, et il est nécessaire de pourvoir au plus tôt à la sûreté de M lle  de Chanteleine.
    – Mais à Douarnenez, demanda le comte, trouverons-nous à vivre sans exciter les soupçons ?
    – Oui ; j’ai là un vieux serviteur de ma famille qui y exerce l’état de pêcheur, le bonhomme Locmaillé ; il nous recevra de grand cœur et nous pourrons demeurer dans sa maison jusqu’à ce qu’une occasion se présente de quitter la France.
    – Va comme il est dit, répondit Kernan, et mettons-nous en route au plus tôt. Nous ne sommes qu’à cinq lieues de Douarnenez et nous pouvons y arriver ce soir.
    Le comte approuva ce parti ; il avait hâte de donner à sa fille un peu de cette tranquillité dont la pauvre enfant avait grand besoin ; mais, à la

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