La confession impériale
l’Empire, qui avaient démontré leur efficacité. Il
m’en donna l’assurance. Je le priai de m’entretenir de la situation, dans les
provinces d’Aquitaine et de Narbonnaise notamment. Il s’en acquitterait
régulièrement. Il avait fait acte de charité en rachetant des milliers
d’esclaves raflés en Corse l’année passée par les Maures et avait échangé avec
l’émir des promesses de paix, sans doute aussi peu fiables que celles avec les
Saxons.
Je lui rappelai que le commerce avec les
nations voisines est l’un des points faibles de l’Empire. Je n’ai enregistré,
durant ces dernières années, ni régression ni essor, rien qu’une routine
somnolente. Dans l’intérieur de la Francie, la circulation des denrées et des
marchandises donne de bons résultats dans les domaines des transactions ou des
échanges, mais sans la volonté de conquérir des marchés.
Nos foires jouissent d’une bonne renommée,
celle du Lendit notamment qui, depuis plus d’un siècle, se tient durant
plusieurs jours à Saint-Denis, près de Lutèce. J’y ai souvent fait acte de présence,
seul ou en famille.
J’aime la compagnie des marchands plus que
celle des gens de guerre. En une heure d’entretien, j’en apprends plus sur les
affaires du monde avec un banquier vénitien ou lombard, qu’en une journée avec
un de mes milites. Quand le commerce se greffe dans d’honnêtes
conditions sur la politique, on peut s’attendre, sinon à des miracles, du moins
à des initiatives heureuses. J’ai longtemps rêvé de partager l’existence de ces
marchands venus en caravanes ou par la mer des confins de l’Afrique et de
l’Asie. Ceux que j’ai eu l’occasion d’héberger m’ont laissé le souvenir de
récits de voyages ou de contes fabuleux, dont Alcuin aurait pu faire des
livres.
Nos ports s’ouvrent à tous les horizons, mais
leur activité marque le pas. La Francie a beaucoup à apprendre de ses voisins,
notamment de l’Angleterre. Dotée d’une flotte de commerce importante, elle nous
achète nos vins, nous apporte son cuivre, va chercher l’ambre jusque dans les
mers froides. Si une activité batelière intense anime nos rivières et nos
fleuves, elle ne fait que suivre une habitude séculaire.
J’aspire à des relations commerciales plus
étroites dans la Méditerranée, mais c’est une zone permanente d’insécurité, les
pirates arabes nous contraignant à les limiter. Par la faute des Sarrasins qui
infectent ces eaux, nous souffrons d’une pénurie d’épices, d’huiles fines et de
soieries de Byzance. Éginhard se plaint fréquemment de manquer du papyrus d’Égypte
qui l’oblige à poncer de vieux manuscrits dans le but d’obtenir assez de parchemin
afin de recueillir ma confession.
Combattre ces brigands m’obligerait à
construire des navires, or je manque d’ingénieurs, et ceux que j’emploie ont
assez à faire avec les chantiers du Nord. Il n’est pas jusqu’à l’ivoire
nécessaire à l’ornementation des manuscrits de mon scriptorium qui ne
nous fasse défaut, et je ne peux plus compter sur le calife Haroun
al-Rachid : quoique plus jeune que moi de vingt-quatre ans, il vient de
mourir dans le Khorasan, au cours d’un combat contre des rebelles. Sa mémoire
reste attachée à celle de mon éléphant Aboul-Abbas, mort peu avant lui, et à
cette merveille : l’horloge hydraulique qui compte mes heures avec des
billes d’argent.
Je n’ai pas caché à
Louis, au cours de notre entretien, les inquiétudes que fait lever en moi la
situation en Italie.
Il y a deux ans, à sa mort, Pépin, que j’avais
fait roi, a laissé un fils de quatorze ans, Bernard, et quatre filles promises
à des mariages politiques. Je les ai fait venir à Aix et les ai confiés à mes
sœurs pour faire leur éducation religieuse et à des précepteurs pour leur faire
découvrir le monde. Pépin avait maîtrisé la situation politique dans la
Péninsule, mais son ancien précepteur, Adalhard, frère de Walla, n’a ni
l’étoffe ni les compétences d’un souverain. Louis m’a promis de régler au plus
vite et au mieux cette situation périlleuse.
Tandis que je m’accrochais, sans conviction à
la vie la mort continuait à faire des places vides autour de moi.
Ma très chère sœur Gisèle, abbesse de Chelles,
couvent proche de Lutèce, a quitté ce monde alors qu’elle allait avoir soixante
ans. Cette créature éthérée, qui semblait vivre dans la compagnie des anges,
avait toujours
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