Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La confession impériale

La confession impériale

Titel: La confession impériale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
Vom Netzwerk:
mes réserves de
poissons. Les droits de chasse et de pêche n’étaient consentis qu’aux moines et
à mes comtes, avec interdiction de commercialiser leurs prises.
    Ces forêts abondaient en cerfs, chevreuils et
sangliers. Ma chasse préférée, la plus excitante mais la plus dangereuse, était
celle des bœufs sauvages, appelés dans ces contrées aurochs, sortes de monstres
que j’allais traquer de préférence en Bohême, dans les espaces sauvages du Böhmerwald.
    Pour mes chasses ordinaires, je m’entourais
d’un équipage de piqueux, de lanciers et d’une meute de molosses. Dès l’aube,
ma garde palatine m’accueillait à son de trompes. Lorsqu’elle n’était pas
enceinte ou fatiguée par ses devoirs d’intendante, Hildegarde se faisait une
joie de se joindre à moi, avec la joyeuse cohorte de ses dames de compagnie. Je
lui laissais parfois le soin de servir notre proie, ce qu’elle faisait avec un
plaisir qui frisait la perversité.
    Elle se mêlait avec le même enjouement aux
festins de grillades dans nos pavillons de chasse. Un groupe de musiciens
jouant de la sambuque, du luth, de la flûte et du tambourin accompagnaient ces
réjouissances jusqu’aux premières clartés du jour. Parfois je l’invitais à
chanter des airs anciens de son pays. Elle avait une voix souple et profonde,
bien qu’un peu gutturale.
    Sa beauté, que les grossesses n’avaient pas
gâtée, me rappelait celle des matrones romaines dont j’avais apprécié les
rondeurs généreuses dans les ruines de Rome.
    Lorsque je lui demandais, au retour de mes
campagnes, sur le ton de la plaisanterie, si elle m’avait été fidèle, elle
éclatait de rire. Elle m’avoua pourtant un jour qu’elle était parfois l’objet
de sollicitations de la part d’officiers palatins, mais qu’elle n’avait jamais
cédé. Je lui demandai de me citer ces importuns ; elle s’y refusa. Si
j’avais appris qu’elle avait succombé à pareilles avances, je l’aurais tuée, de
même que son amant.
    Alors que je faisais
mes préparatifs pour une expédition à Rome où le pape Adrien réclamait mon aide
à cor et à cri, je fus retardé par une affaire pressante qui intéressait mon
domaine de Quierzy.
    Le comte de Verberie, chargé de
l’administration de ma villa, venait de mettre la main sur une bande de
brigands sévissant dans la forêt de Compiègne. Je me demandai ce que le comte
attendait de moi, ces affaires pouvant se passer de mon jugement.
    Il était, me dit-il, dans un grand embarras.
Les hommes qu’il venait de capturer, au nombre d’une dizaine, étaient de
pauvres hères que la famine et la misère avaient chassés de leurs fermes et qui
vivaient du braconnage et du vol sur les chemins fréquentés par des marchands,
des pèlerins et des moines. On ne pouvait leur reprocher un crime de sang, si
bien qu’ils échappaient au vergeld, la peine capitale qui punit
l’homicide. Leur infliger une amende ? Ils eussent été incapables de
l’honorer, réduits qu’ils étaient à la dernière extrémité. Les libérer sans
jugement ? Ils eussent repris leurs méfaits dans l’heure suivante.
    En ces temps-là, j’étais ignare en matière de
droit romain et peu soucieux de me poser en juge criminel. La justice n’était
pas mon domaine ; je ne m’y hasardais que pour les cas gravissimes ;
celui-ci ne l’était pas.
    Je demandai que l’on tirât ces malandrins de
leur cellule pour me les présenter. Ils tombèrent à genoux en triturant leur
bonnet avec des gémissements pitoyables. Je les fis se relever et leur
dis :
    — Vous ne pouvez pas ignorer que voler le
bien d’autrui mérite la mort. Je puis vous l’éviter si vous consentez à vous
comporter à l’avenir comme des sujets irréprochables. Y consentez-vous ?
    Celui qui paraissait être le chef s’avança
d’un pas pour répondre :
    — Sire, promettre, nous le pouvons, mais
pourrons-nous tenir parole ? Deux de mes enfants sont morts de faim et mon
épouse est sur le point de faire de même. Alors, entre crever et voler, le
choix est difficile.
    Ces paroles étaient d’une simplicité et d’une
gravité telles que je pris quelques instants de réflexion avant de lui
répondre :
    — Je connais le remède à ta situation et
à celle de tes complices. Vous êtes tous en âge et en état de porter les armes.
Acceptez de suivre mon armée en Italie. Vous échapperez ainsi au châtiment et
serez assurés de ne pas mourir de faim. Je vais faire le

Weitere Kostenlose Bücher