La confession impériale
nécessaire pour que
vos familles, en votre absence, soient à l’abri du besoin.
Ils se concertèrent du regard avec une
expression de crainte, comme si je paraissais me jouer d’eux, puis ils
échangèrent quelques mots qui m’échappèrent avant de me donner leur accord en
me jurant leurs bons services. Je les renvoyai avec quelques provisions pour
leurs familles.
C’était de ma part, il me semble, bonne et
loyale justice. J’avais débarrassé la contrée de malfaiteurs, évité un
châtiment dont la perspective me pesait et gagné quelques soldats. Ils étaient
chétifs, mais quelques jours dans ma troupe en feraient des fantassins
honorables.
L’âge venant, la justice allait devenir pour
moi sinon une passion comparable à la chasse, du moins un devoir. Alcuin et Éginhard
allaient me guider dans les dédales du droit, si bien qu’il m’arriverait de me
prendre pour le roi Salomon…
Il semblait qu’un
consensus se fût instauré entre les nations voisines pour troubler ma sérénité
et me tenir en permanence sur le qui-vive.
Étais-je retenu en Angrarie ? Rome
réclamait ma présence. Avais-je entrepris une action contre les rebelles de la
Frise, l’émir de Cordoue me créait du tracas sur les marches d’Espagne. La
situation en Occident était devenue un tel imbroglio que je risquais d’y perdre
la raison et de commettre des fautes graves. Dieu merci, je gardais la tête
froide et la décision prompte. Un autre que moi eût sans doute perdu pied et,
attaqué de toutes parts, abandonné son royaume au désordre, à l’anarchie et au
dépeçage.
Mes rapports avec
Adrien étaient marqués par une entente à base de solidarité et d’amitié.
J’admirais sa conviction profonde en matière de foi, sa ténacité envers ses
adversaires, ses vues politiques claires et justes, mais, dans l’affaire pour
laquelle il réclamait mon aide, je trouvais qu’il avait les dents
longues : il ambitionnait, semblait-il, de faire de la Péninsule une
nation théocratique. J’avais du mal à le suivre dans cette voie ; du côté
de Byzance, on risquait de grincer des dents.
Il avait eu maille à partir avec les ducs de
Bénévent, de Spolète et du Frioul, bien disposés à contrecarrer ses ambitions.
Il n’était pas jusqu’à l’évêque de l’exarchat de Ravenne qui ne rêvât
d’indépendance à ses dépens !
À en croire Adrien, si je tardais à répondre à
son appel, les armées conjuguées de ces provinces marcheraient sur Rome et
envahiraient les États pontificaux.
Ces conspirateurs avaient apparemment gardé la
nostalgie du règne du roi Didier et regrettaient son exil et sa mort au
monastère de Corbie. Ils reportaient leurs espoirs sur son fils, Adalgise, qui
se morfondait dans les palais de Constantinople et souhaitait récupérer le
trône de son père.
C’est Hrodgaud, duc du Frioul, contrée
montagneuse du nord de l’Italie, qui prit la tête de la conjuration. C’est donc
à lui que j’allais avoir à me mesurer.
Je me portai avec mon armée sur ses
frontières, les franchis sans peine et investis sa capitale, Trieste. Je
m’apprêtais à en faire le siège, quand une nouvelle stupéfiante me
parvint : Hrodgaud et toute sa famille avaient été massacrés par les
officiers du palais. J’entrai dans la ville sans coup férir et y fis quelque
butin.
J’occupai cette province, qui ne brillait pas
par sa prospérité, et y installai un officier de mes proches avant de diriger
mon armée vers le duché de Bénévent qui s’agitait dangereusement. Je
m’attendais à de rudes affrontements avec ces montagnards ; ils baissèrent
les armes en me voyant paraître.
Après avoir fait mes Pâques à Trévise, je
rendis visite à Adrien ; il exultait. Il sortit de son coffre les
documents signés de mon père, attestant de la possession par la papauté des
territoires constituant l’État pontifical. Je le dissuadai d’en donner
connaissance publiquement, ce qui, en troublant le sommeil du lion, eût risqué
d’entraîner une réplique sévère de Byzance.
Les affaires de
l’Est allaient de nouveau solliciter ma présence.
Des échos de quelques rébellions, chez les Saxons
notamment, m’inquiétaient. Il aurait suffi d’un chef charismatique animé de
prétentions fédératrices pour créer un vaste mouvement de révolte. Ces
contrées, sortes de digues ne laissant échapper que quelques filets d’eau,
auraient mis en danger, en se rompant, les conquêtes
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