La confession impériale
chère Hildegarde m’annonça une nouvelle
grossesse. J’avais prévu de l’emmener en Espagne et dus y renoncer ; elle
en fut contrite autant que moi.
— Faites-moi un beau garçon, lui dis-je
en montant en selle. Nous en ferons peut-être le roi d’Espagne.
— Sire, je dirai tant de prières et ferai
brûler tant de cierges que Dieu vous donnera satisfaction.
Je quittai le Poitou
avec une forte armée et traversai l’Aquitaine par un radieux printemps où
alternaient des chaleurs moites, des pluies rudes mais brèves, et un vent
d’autan qui faisait renâcler nos chevaux.
Je découvris des contrées et des villes dont
je ne connaissais que le nom. Les campagnes, renaissant de leurs cendres,
m’offraient des images sereines, mais la population nous tournait le dos en se
souvenant des temps maudits où mon père faisait la guerre au duc Waïfre.
La traversée de la Gascogne et du Pays basque
me causa quelques appréhensions. De toute évidence, mon nom était détesté de
ces populations. Dans certains villages, notre avant-garde était accueillie par
des jets de pierres, des imprécations dans une langue inconnue, des musiques
sauvages et des chants qui n’avaient rien de flatteur pour nous.
Je m’accusai de n’avoir pas accordé
suffisamment d’attention, depuis le début de mon règne, à ces contrées
demeurées hautaines, susceptibles, et qui avaient gardé la nostalgie de leur
indépendance perdue. Il est vrai que le duc Loup-Sanche me donnait peu de
nouvelles et ne hantait guère les couloirs de mes palais. Je me promis, en
abordant les Pyrénées, de m’intéresser à cette pépinière de rebelles, mais pour
l’heure j’avais d’autres soucis en tête.
Un accueil plus
chaleureux m’attendait dans le royaume des Asturies. Il est peuplé de chrétiens
laborieux, revenus en masse de la lointaine Andalousie pour échapper aux
tracasseries des mahométans. Ils devaient, pour éviter les incursions des
cavaliers maures, payer un tribut à l’émirat et souhaitaient se soustraire à
cette contrainte.
Leur roi, Alphonse, descendant d’un ancien
souverain wisigoth, était une forte nature. Il nous attendait dans sa capitale,
Oviedo, et ne me cacha pas que notre présence le rassurait. Il souhaitait
élargir son petit royaume par la conquête du Portugal, ce qui eût déclenché une
vive réplique de Cordoue. Il rêvait de Lisbonne comme d’une nouvelle Jérusalem.
J’avais divisé mes
forces en deux corps d’armée composés de combattants de diverses nations :
Italiens, Saxons, Helvètes notamment.
L’un d’eux franchirait les Pyrénées du côté de
la Méditerranée, avec l’appui des forces du comte de Septimanie ; l’autre,
sous mon commandement, prendrait la route de la Navarre. J’avais chargé le
premier corps de prendre Gérone, Barcelone et Huesca, tandis que le second
marcherait sur Saragosse où m’attendait le wali Soliman.
Lorsque j’arrivai devant Saragosse, je fus
vivement impressionné par l’importance de cette ville et la puissance de ses
fortifications, mais fort irrité du mauvais accueil que l’on me fit. Non
seulement je trouvai les portes closes mais, sur les remparts, une meute de
guerriers brandissant leurs armes et des menaces répétant les noms d’Allah et
de Mahomet sous forme de litanies gutturales. Quant à Soliman, il n’était pas
au rendez-vous.
Soit que, pris de remords après avoir demandé
le secours des infidèles, il eût redouté les représailles de l’émir el-Hossein,
soit qu’il eût été assassiné par ses officiers, ou qu’il eût médité de me faire
tomber dans un piège, il demeura introuvable. J’appris qu’il avait renoncé à se
maintenir dans cette ville où il avait promis de m’attendre, et qu’il en avait
confié la défense, avant de disparaître, à un officier de l’émir…
Que faire ?
Tenter un siège ? Je n’avais ni les machines ni les ingénieurs nécessaires
pour entreprendre une opération aussi aléatoire. Regagner la Francie après
cette expédition inutile ? Je me concertai avec mes officiers, et optai
pour cette dernière solution.
Alors que nous chevauchions vers Pampelune,
j’appris deux nouvelles inquiétantes. El-Hossein, informé de mes projets, avait
mis en marche une armée. Peu soucieux de l’affronter, je me hâtai de repasser
les Pyrénées.
Une autre nouvelle, non moins grave, me
parvint par des courriers de Quierzy. Une nouvelle insurrection des Saxons
commandés par
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