La confession impériale
Saxe en particulier.
Sur le point de quitter ce monde, après avoir
refusé les partis avantageux que je lui proposais pour leur préférer le
monastère, elle entretenait des relations suivies avec Alcuin : il la
guidait dans ses lectures pieuses et avait composé à son intention des gloses
sur l’Évangile selon saint Jean. On disait en parlant d’elle la « douce
Gisèle » ; elle avait l’étoffe d’une reine et aurait pu faire le
bonheur d’un prince choisi parmi mes alliés, mais c’est à un autre royaume
qu’elle aspirait : le couvent de Chelles, en marge de la grande forêt de Compiègne.
Elle allait, quelques années plus tard, en devenir l’abbesse.
Je n’aurais pas plus de chance avec mes autres
sœurs : Rothaïde et Alpaïde, qui l’avaient précédée dans les ordres et
qui, de santé chétive, n’allaient pas tarder à rejoindre la légion des anges.
Dieu merci, la santé
de mes enfants ne me causait guère de soucis. Notre aîné, Charles, de nature
capricieuse et entêtée, entrait gaillardement dans ses quatre ans et avait
appris à monter un poney. Pépin, son cadet, était encore en lisière. Peu après
mon retour, Hildegarde avait donné naissance à une fille, Rothrude, encore au
berceau.
À en juger par la santé resplendissante de mon
épouse, mon gynécée n’allait pas tarder à s’enrichir d’autres pensionnaires.
J’allais m’y attacher avec ardeur.
Je ne revenais pas de ma campagne de Saxe
couvert de lauriers. Malgré tout, j’étais heureux. Mes relations diurnes et
nocturnes avec Hildegarde étaient sans nuages. Elle avait, en mon absence,
aussi bien administré les affaires que je l’eusse fait moi-même, et avec une
autorité qui entraînait parfois des conflits avec ses interlocuteurs.
Nous passâmes Noël dans la ville de Sélestat,
en Alsace, au milieu des sapinières majestueuses enrobées de neige. Au retour,
nous assistâmes, mon épouse et moi, à la cérémonie de dédicace par l’abbé
Fulvard de l’abbaye de Saint-Denis, proche de Lutèce. Ce fut pour moi
l’occasion de me recueillir sur la tombe de mes parents et de prier pour leur
repos éternel.
Je m’accordai une journée pour visiter Lutèce,
ville grouillante d’activité à l’abri de son fleuve et de ses remparts. Je fis
mes dévotions en l’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul, située au sommet d’une
petite montagne, où sont conservés les restes de sainte Geneviève, cette
vierge, qui, trois siècles avant mon règne, a défendu cette cité contre les
Huns et les a repoussés.
L’idée m’effleura de faire de cette localité
la capitale de mon royaume, mais j’y renonçai. C’est vers l’est que je me
proposais de donner suite à ce projet.
En visitant l’abbaye
de Saint-Denis, je songeais à celle de Fulda, dans les territoires de la Hesse,
sur la rivière qui porte ce nom. Un abbé d’origine germanique, Sturm, en avait
entrepris la construction au milieu des forêts, trente ans auparavant, et y
avait déposé les restes de Boniface, ce prédicateur qui avait été, avant son
martyre, l’ami et le conseiller de mon père.
Fulda rappelle par son architecture Saint-Pierre
de Rome. Je me souviens de l’ample dais d’étoffe précieuse qui abrite le
tombeau du saint et de l’aqueduc qui conduit sur les lieux l’eau de la
montagne.
De passage à Paderborn, en Westphalie, sur la
Weser, j’encourageai les religieux à suivre l’exemple de Fulda et les assurai
de mon soutien. Ils s’étaient mis au travail et, quelques années plus tard,
allaient dédier, au milieu d’une vaste solitude vouée à se peupler rapidement
et à devenir une ville importante, une cathédrale à saint Sauveur.
Passé les fêtes de
Pâques, j’entrepris une tournée d’inspection dans mes principaux domaines
situés entre l’Escaut et le Rhin : Attigny, Thionville, Metz, Trêves, Aix,
qui avaient l’avantage d’être entourés de vastes forêts propices à la chasse.
Je m’attardai à visiter d’autres villes situées sur le Rhin : Mayence,
Ingelheim, Worms, mes possessions d’Alamanie.
Je préparais mes
chasses comme une expédition. J’avais le choix entre trois lieux
cynégétiques : la forêt Charbonnière, sur les confins de la Frise, celle
des Vosges, entre Rhin et Moselle, et celle d’Ardenne, entre Liège et Trêves.
J’avais à mon service, pour chacune d’elles, des équipes de forestiers chargés
de veiller aux méfaits du braconnage et à l’entretien de
Weitere Kostenlose Bücher