La confession impériale
de mon palais, à l’extrémité d’une longue galerie. Sa forme
est celle d’un polygone couvert d’une haute coupole ornée à son sommet par un
globe doré. Eudes a apporté le plus grand soin à la décoration
intérieure : portes de bronze massif, colonnes ramenées de Rome et
mosaïques de Ravenne. La voûte du collatéral s’orne d’une fresque représentant
les quatre fleuves du paradis. Un lion de bronze garde le bassin.
Je n’ai ménagé ni l’or, ni l’argent, ni les
matériaux rares. Pour assister aux offices, je m’installe sur un fauteuil de
marbre blanc. Une inscription gravée dans la pierre stipule que Dieu
« préservera de la destruction ce temple par moi fondé »…
À chacune de mes
promenades à travers la ville d’Aix, je me sens envahi d’un sentiment de
fierté.
Lorsque l’idée m’est venue de choisir ce site
pour en faire ma résidence principale et ma capitale, ce n’était qu’une
bourgade qui sentait le fumier. Elle est devenue, d’année en année, une vraie
ville. J’ai vu sortir du sol, à la place des masures puantes, des maisons de
pierre. J’y ai fait construire les premiers établissements religieux dotés
d’une infirmerie, les logements de mes officiers palatins et de mes
conseillers : Éginhard, Angilbert, Walla… Pour faciliter l’accès aux
foires et aux marchés, j’ai fait construire un pont sur la Würm.
La population a crû à un rythme effréné. J’ai
vu arriver des familles juives, lombardes, espagnoles, pour la plupart vouées
au commerce et à l’artisanat. Il me plaît de voir naître et prospérer ces
activités, d’assister, dans les jardins, aux jeux des enfants.
Lors de fêtes religieuses ou de foires, qui
durent plusieurs jours, nous voyons affluer des caravanes de marchands et
d’acheteurs venus de la Frise, de la Saxe ou de la Burgondie. De mon cabinet,
je perçois la rumeur de cette foule, les musiques, les chants et le débit des
vendeurs d’orviétan…
Parenthèse :
— Après ma
mort, Éginhard, qui prendra soin de mon palais et de ma chapelle ? Qui
aura conscience des sacrifices que j’ai consentis pour en faire un des plus
riches édifices de la chrétienté ? Qui viendra se baigner dans mon bassin,
prendre soin de mes jardins et de ma ménagerie ?
— Cessez donc
de vous tourmenter, sire. Vous avez encore bien des années à vivre.
Souvenez-vous du conseil que je vous ai donné de prendre une épouse pour vous
assister et veiller sur votre patrimoine…
— Et si
j’étais tombé sur une mégère comme Fastrade ! Et si elle était morte avant
moi…
— … et si, et
si… Contentez-vous, sire, de jouir du présent. Quant à l’avenir, il appartient
à Dieu.
Il y a quelques
semaines, dans une aube de printemps, le ciel nous a gratifiés d’un spectacle
étrange : de gigantesques draperies multicolores se mouvaient au nord d’un
bord à l’autre de l’horizon. Une vague sombre a fait disparaître cette féerie.
Quelques semaines plus tard, nous avons assisté à une pluie d’étoiles. À peu de
temps de là, une lueur diffuse s’est répandue dans le ciel, au-dessus des lointains
de la Frise, et une énorme traînée de feu a traversé le ciel comme une torche
avant de s’éteindre au-dessus de la forêt Charbonnière.
À en croire notre vieille sorcière, ces signes
ne présagent rien de bon. Elle n’a pu m’en dire davantage, et Alcuin n’est plus
là pour me fournir une explication savante de ces phénomènes.
2
Mon fils, le roi Louis, a fort à faire :
nouvelles rébellions en Saxe contre mes garnisons, menaces d’insurrection de la
Frise, provocations des Bretons, incursions des Danois sur nos côtes et des
Maures sur nos marches d’Espagne. Il peut, par chance, compter sur la fidélité
de nos vassaux, de nos officiers et de nos armées.
Le doigt de Dieu s’est posé sur Guillaume de
Toulouse : il a rangé sa cuirasse, son destrier et ses armes pour accomplir
un nouveau destin sous la bure des moines. Louis a crié à une désertion ;
c’en était une, mais pour une si sainte cause que ses ressentiments n’ont été
qu’un feu de paille. Il a perdu en lui le meilleur de ses chefs de guerre.
Après avoir pris congé de l’armée et du monde,
Guillaume a choisi de se retirer dans une gorge sauvage de la rivière Hérault
et d’employer sa fortune à construire un monastère affilié à la puissante
abbaye bénédictine d’Aniane.
L’année 809, Louis,
enfin
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