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La cote 512

La cote 512

Titel: La cote 512 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thierry Bourcy
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appui sur de petites échelles de bois appliquées à la paroi, les fantassins se ruèrent hors de la tranchée et se mirent à courir droit devant eux. Certains n’avaient pas fait deux pas qu’ils étaient déjà fauchés par le tir des mitrailleuses. D’autres, empêtrés dans des barbelés, tombaient lourdement à terre. Les plus habiles, les plus rapides, constatant qu’ils avaient pris de l’avance, se jetaient dans l’abri précaire d’un trou d’obus, tirant au jugé vers la tranchée allemande. Germain s’était collé au fond de la tranchée, comme s’il avait voulu s’enraciner dans la terre. Il regardait, terrifié, les créneaux du parapet, incapable de faire un geste.
    — Deuxième vague, préparez-vous ! hurla le lieutenant, qui s’apprêta lui-même à monter à l’assaut.
    Célestin attrapa Béraud et le plaqua violemment contre les premiers barreaux d’une échelle.
    — Tu viens avec moi !
    Il lui mit de force le fusil dans les mains et, dès que le lieutenant en donna l’ordre, le hissa quasiment, le poussant devant lui jusqu’à ce qu’ils émergent tous les deux dans l’enfer du combat. Comme les balles sifflaient à ses oreilles, Béraud, d’un coup, se mit à courir comme un fou vers la tranchée ennemie. Célestin le suivit tant bien que mal, mais une explosion toute proche le fit basculer dans un trou. Un autre soldat l’occupait déjà, recroquevillé sur son fusil. Célestin lui tapa sur l’épaule, pour signaler sa présence, et pour reprendre ensemble un peu de courage. L’autre ne réagit pas. Louise le secoua plus fort, l’autre lâcha son fusil et roula sans résister : son visage n’était plus qu’une énorme plaie sanguinolente, une cavité rougeâtre où se mêlaient la chair, les os et la cervelle. Célestin ferma les yeux une seconde, pour conjurer l’horreur. Dehors, ça gueulait, ça tirait de partout, ça se bousculait vers la mort. Il entendit encore une fois la voix de Mérange :
    — Allez, on y est presque, préparez les grenades !
    Célestin s’extirpa de son pauvre abri et se remit à courir, courbé en deux, essayant de se faire le plus petit possible au-dessus du sol. Autour de lui, les hommes tombaient, certains s’abattaient silencieusement, d’un coup, comme s’ils refusaient d’aller plus avant, et ne bougeaient plus ; d’autres, au contraire, se mettaient à hurler, crispés sur leurs blessures, fous de terreur ; d’autres, enfin, passaient une main incrédule sur l’impact de la balle ou de l’éclat d’obus, s’étonnaient un instant de la voir rougie de sang avant de s’écrouler, raides morts. Une fois encore, Célestin se laissa tomber derrière un repli de terrain à peine assez haut pour le protéger. Il aurait voulu s’enfoncer dans la terre, devenir invisible, inatteignable. Une forme vint s’abattre près de lui, il reconnut immédiatement le lieutenant.
    — Je n’ai pas de grenade, mon lieutenant.
    Le jeune lieutenant ne lui répondit pas : il était mort. Pourtant, Louise ne voyait aucune blessure, aucune trace de sang sauf un mince filet rouge qui lui dégouttait de la bouche. Il rampa tout près du cadavre et c’est en le tirant vers lui qu’il découvrit, stupéfait, la grande tache rouge dans son dos. D’instinct, il regarda en arrière, vers la tranchée française, mais dans les lambeaux de fumée, il ne vit rien que les fils de fer barbelé et les montants crénelés du parapet de tir. Il se mit à crier :
    — Hé ! Le lieutenant est touché !
    Comme personne ne lui répondait, il se releva, essayant d’apercevoir un autre soldat de la compagnie, quelqu’un à qui souffler qu’on venait de tuer un officier en lui tirant dans le dos. Il avait l’impression d’être dans un cauchemar et de crier sans émettre un son. Il crut reconnaître Flachon quelques mètres devant lui. Il s’élançait pour le rattraper quand le monde bascula dans le chaos et Célestin Louise tomba dans un trou sans fond.

Chapitre 5
UN MIRACULÉ
    Il y eut d’abord des lumières de toutes les couleurs qui jouaient entre elles et qui finirent par former l’image surprenante d’un agneau et d’un berger. Le berger portait autour de la tête un casque d’or, que Célestin réussit à identifier comme une auréole. C’était un vitrail. Célestin était allongé dans une église. Un mal de tête épouvantable l’avait sorti de l’inconscience. Autour de lui, un concert de gémissements, de cris, de

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