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La cote 512

La cote 512

Titel: La cote 512 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thierry Bourcy
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prétexter la curiosité, ou qu’il s’était perdu. Il descendit le chemin qui aboutissait à la carrière. Vus d’en bas, les bâtiments étaient plus impressionnants et donnaient une idée plus exacte de l’importance de la fabrique. Louise se dirigea vers les fours dont la cheminée semblait se perdre dans le ciel. Il voulait retrouver l’endroit où les ouvriers venaient fumer leur cigarette. Une voix derrière lui cria :
    — Monsieur de Mérange ! Monsieur de Mérange !
    Il se retourna et vit un contremaître courir vers lui, puis s’arrêter brusquement, le visage décomposé.
    — Mille pardons, monsieur, je… Ces vêtements…
    — Je sais, on me les a prêtés. Je ne suis pas Paul de Mérange : il a été tué au front.
    — Oui, c’est ce qu’on nous a dit, mais…
    L’homme s’interrompit, salua Célestin et s’éloigna. Cet incident étrange montrait au moins que Paul de Mérange avait été apprécié de son personnel, comme il l’avait été de ses soldats. Le policier fit le tour du bâtiment et parvint à la petite porte au moment où l’un des ouvriers qui avait terminé sa pause écrasait sa cigarette et s’apprêtait à reprendre le travail. Célestin l’aborda, à l’évidence, lui aussi reconnaissait les habits, mais il ne fit aucune remarque. Le policier se présenta comme un compagnon d’armes de Paul de Mérange. Son interlocuteur était un ancien, qui avait passé l’âge de partir à la guerre. Il ne fit pas de difficulté pour parler, il paraissait désabusé.
    — Ça fait drôle, tout de même, de voir toutes ces femmes à l’usine. Et puis, je n’ai pas peur de le dire, je préférais monsieur Paul comme patron.
    — Pourquoi ?
    — Ce n’est pas que son frère soit méchant, mais il est bizarre, on ne sait jamais ce qu’il pense. Cela dit, avec sa patte folle, c’est vrai qu’il ne doit pas s’amuser tous les jours. Ça doit porter sur le caractère.
    — Mais quand Paul était encore là, quel était son rôle ?
    — C’est monsieur Paul qui prenait toutes les décisions importantes. Monsieur Jean s’occupait surtout des comptes, de tout ce qui était financier.
    — Ils s’entendaient bien ?
    — Pour nous, il n’y avait pas de problème. Maintenant, on n’est pas dans le secret des dieux !
    — Et Claire de Mérange ?
    — On ne la voyait pratiquement pas avant la guerre. Mais depuis la mort de monsieur Paul, elle tient à faire sa part de boulot. Je lui tire mon chapeau. Bon, faut m’excuser, je dois retourner au turbin.
    Il allait rentrer dans l’atelier quand il ajouta :
    — Et si vous voulez mon avis, je crois que monsieur Jean n’est pas mécontent de l’avoir près de lui.
    Il referma la porte derrière lui. La cheminée exhala un lourd nuage de fumée. Embarrassé par les vêtements qu’il portait, Célestin se dépêcha de quitter la briqueterie. Un groupe de femmes se mit à rire à son passage.
    Comme il revenait vers le manoir, Célestin aperçut la ferme devant laquelle ils étaient passés le soir précédent. Une grange pleine de foin faisait face au bâtiment d’habitation que jouxtait une étable. Dans la cour, un abreuvoir et une fosse à purin. Célestin ne vit personne, mais un filet de fumée blanche s’échappait de la cheminée du toit. Il s’approcha. Un petit appentis avait été dressé contre le pignon de l’étable. On y avait entassé du bois, soigneusement rangé par grosseur décroissante, avec des fagots de branchages sur le dessus. Mais sur la gauche, dans l’espace resté libre, une bâche protégeait un engin dont le jeune policier apercevait les reflets métalliques par les interstices. Il fit quelques pas et souleva la bâche pour découvrir une bicyclette, à bien y regarder, un vélo de compétition. La bécane était très bien entretenue, sa chaîne luisante de graisse, son cadre sans un seul point de rouille. Qui pouvait bien se passionner pour ce sport au point de posséder un vélo de ce type ? À moins que la famille de Mérange organisât des courses… Un léger bruit alerta le policier. Il se retourna juste à temps pour éviter le manche de fourche qui lui frôla le crâne avant d’exploser une vieille jarre en grès. Célestin ne laissa pas à son agresseur le temps d’armer un second coup, il bloqua la fourche des deux mains, déséquilibra son adversaire et, d’un balayage du pied, le fit tomber par terre. C’était un paysan d’une cinquantaine d’années,

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