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La Cour des miracles

Titel: La Cour des miracles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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robe monacale, il vit Loyola qui dardait sur lui un regard fixe à donner le vertige.
    – Vous ! gronda le grand prévôt en faisant deux pas vers le moine.
    – Moi, comte de Monclar !
    – Vous !… c’est vous… vous qui m’arrachez le cœur ! Vous qui me volez mon fils ! Vous, tigre sans pitié ! Vous, exécrable imposteur… Vous que j’ai haï d’instinct dès la première seconde ! Vous, devant qui je me suis courbé tremblant, épouvanté par votre formidable puissance !… Vous, moine… Eh bien, à nous deux !…
    – Vous me faites pitié, dit lentement Loyola.
    Et Monclar marchait sur lui.
    – Un pas encore, et je vous fais saisir, et je vous fais plonger dans un de vos cachots, et tout espoir de revoir votre fils sera à jamais perdu…
    Il trembla sur ses genoux, ses mains se joignirent, ses yeux brûlèrent de larmes chaudes qui tombèrent avec une sorte de violence, et sa voix, sa voix faible et bégayante comme une voix d’enfant battu, proféra :
    – Non, vénéré père… pardon ! Oh ! dites-moi seulement que je puis espérer le revoir ! Dites-moi qu’il ne va pas mourir !…
    – Obéissez d’abord ! gronda le moine ! Asseyez-vous !
(Monclar obéit).
Là, maintenant, sachez plusieurs choses : d’abord, il y a derrière chacune de ces portes dix gardes en armes qui accourront à mon premier appel… Etes-vous décidé à m’écouter sans essayer d’une violence inutile ?
    – Oui, mon père, balbutia Monclar.
    – Bien ! maintenant, sachez que j’ai montré au chef de vos gardes le papier que vous avez bien voulu me donner du jour où vous vous êtes enrôlé dans notre ordre.
    Monclar frémit.
    – Ce papier, vous le savez, signé par vous, scellé de votre sceau, ordonne à tout agent du guet, garde prévôtal, geôlier de toute prison, et en général à tout suppôt de la force, de m’obéir en quelque circonstance que ce soit, quel que soit l’ordre qu’il me plaît de donner et ce, sous les peines de la hart.
    Loyola, très calme, continua :
    – Je vous rappelle aussi, pour simple mémoire, que vous vous êtes lié à la Société de Jésus par un engagement formel, bien et dûment signé et scellé, par lequel acte vous jurez obéissance passive, sans discussion ni en paroles ni en pensée, au grand-maître de la Société, fût-ce envers et contre vos amis, fût-ce envers et contre votre famille, votre pays, votre roi ! Il me suffirait donc : d’une part, donner l’ordre à vos gardes de vous tenir en vos cachots et ce en vertu de votre propre commandement ; d’autre part, envoyer au roi de France l’engagement par lequel vous jurez de trahir ses intérêts si l’intérêt supérieur de la Société l’exige. Je vous laisse, monsieur le grand prévôt, le soin de conclure.
    Le comte de Monclar eût entendu son arrêt de mort qu’il n’eût pas été plus épouvanté.
    Loyola se rapprocha alors du grand prévôt.
    Il comprit qu’il le tenait sous sa domination.
    – Qu’êtes-vous dans mes mains ? Un pauvre instrument. Vous ne devez avoir ni pensée personnelle ni affections, ni haines qui ne soient pour la gloire de la Société de Jésus à laquelle vous appartenez. Que je fasse un geste, que je dise un mot, et vous êtes précipité de la haute et brillante situation que vous occupez ; à mon, gré, vous êtes un puissant seigneur que chacun redoute, ou un criminel qu’attend le gibet… Soyez donc docile, soldat de Jésus, chevalier du Sacré-Cœur ; soyez obéissant ! ne discutez pas ! Ni vos paroles ni votre pensée ne doivent s’élever contre le commandement de votre maître ! Ne l’oubliez jamais : vous êtes dans mes mains
perinde ac cadaver [4]  !…
    Loyola s’assit.
    Un changement brusque se fit dans sa physionomie qui devint paternelle et bienveillante.
    Il reprit doucement :
    – Maintenant que vous êtes rentré dans la voie de la soumission absolue, la seule qui conduit au Seigneur, maintenant, mon fils, ouvrez-moi votre cœur…
    Monclar voulut parler ; tout un plaidoyer se pressait sur ses lèvres ; il ne put qu’éclater en sanglots en balbutiant :
    – C’est mon fils !… Oh ! vous le savez… ce fils que j’ai tant pleuré… ce fils… c’est lui !… Laissez-moi mon fils… C’est le désespoir qui m’a jeté à vos pieds… C’est la douleur qui m’a fait votre esclave… Et maintenant que je le retrouve… qu’est-ce que cela peut vous faire que j’aime mon enfant…

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