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La Cour des miracles

Titel: La Cour des miracles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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Monteforte ?
    – Je ne la connais pas, mais je la connaîtrai s’il le faut.
    – Je te donnerai d’ailleurs toutes les indications nécessaires. Tu vas donc te rendre à Monteforte… Il y a à peu près dix jours de voyage… autant pour revenir… dix jours pour séjourner là-bas… cela fait en tout trente jours… Il faut t’apprêter à partir au plus tôt…
    – Je suis prête, signora ; je puis partir à l’instant même…
    – Bien… as-tu quelqu’un qui puisse t’aider à une certaine action… où il faut d’ailleurs plus d’habileté que de force ?…
    – J’ai ce qu’il faut, signora…
    – En ce cas, tu peux partir dès aujourd’hui ; tu iras à pied, parce qu’il est nécessaire qu’en arrivant à Monteforte tu passes inaperçue…
    – Et que ferai-je à Monteforte, signora ?
    Lucrèce Borgia eut une dernière hésitation.
    – Fiez-vous à moi, lui dis-je d’un ton ferme, j’accomplirai votre mission quelle qu’elle soit, car pour sauver mon fils, je suis capable de tout, même d’un crime !
    Je prononçai à dessein ces paroles, car j’avais tout de suite deviné que c’était un crime qu’on allait me proposer.
    En effet, ces paroles rassurèrent la signora.
    Elle se rapprocha de moi et me dit à voix basse :
    – Il y a à Monteforte un homme que je hais autant que tu peux aimer ton fils ; il y a à Monteforte une femme que je hais comme tu pourrais haïr le bourreau qui se saisirait de ton fils… C’est cet homme et cette femme que je veux frapper… Es-tu disposée à me seconder ?
    – Disposée à tout, signora !
    En parlant ainsi, Manfred, mes yeux s’attachaient sur la signora Lucrèce. Elle avait les traits réellement bouleversés par la haine…
    Pourtant, je n’eus pas peur.
    Au contraire, je me dis que cette femme si forte saurait tenir sa parole, et que si je l’aidais, elle sauverait mon fils. Elle parut contente de mon ardeur et me dit alors :
    – Cet homme dont je te parle, c’est…
    Elle hésita encore, et me dit :
    – Si jamais tu me trahis…
    – Si je vous trahis, signora, faites mourir mon fils, et ce sera ma propre mort !
    – Bien… Cet homme, donc, c’est le chevalier de Ragastens, devenu comte Alma et seigneur de Monteforte. Cette femme, c’est sa femme, la princesse Béatrix. Ils habitent le palais comtal de Monteforte. Ils sont heureux, et je veux les frapper…
    – Que faut-il faire ?… m’écriai-je. Je suis experte en l’art des poisons… et si vous voulez…
    Elle haussa les épaules, et, d’une voix qui me fit frissonner, me répondit :
    – Le poison ! Je crois aussi en connaître tous les secrets… mais le poison… c’est trop peu pour Béatrix ! trop peu pour Ragastens !
    Alors, elle me dit :
    – Ecoute… Ce Ragastens a eu deux enfants… tous deux sont morts… Un troisième lui est né… C’est un fils… Et celui-là vivra, car il a hérité de toute la force de son père… Or, cet enfant, c’est leur adoration à tous deux ; ils ne vivent plus que pour lui… il est leur dieu.
    – Je crois vous comprendre, signora… il faut tuer l’enfant ?
    Je dis cela froidement, Manfred, et je te jure que pour sauver mon fils j’eusse tué l’enfant du comte Alma, si la signora Lucrèce m’en avait donné l’ordre.
    Mais ce n’est pas cela qu’elle voulait.
    – Ne m’interromps pas, me dit-elle. Tuer l’enfant, ce serait certes leur infliger une violente douleur… mais cette douleur, avec le temps, s’atténuerait… Ce qui est mort est bien mort, et on finit par l’oublier… Au contraire, si l’enfant est perdu pour eux, et si pourtant ils savent qu’il vit, conçois-tu dès lors l’existence infernale qu’ils mèneront ! La certitude que leur enfant emporté par des bohémiens, parcourt le monde, malheureux, battu, et qu’il meurt lentement… cette certitude peut les rendre fous…
    Les vois-tu, le soir, s’asseyant à leur foyer désert et se disant : « En ce moment, notre enfant est martyrisé ! En quel endroit du monde ? Sous quel ciel ?… Voilà ce que nous ne saurons jamais ! » Oui, c’est là la punition que j’ai rêvée pour eux !
    – Alors, il faut voler l’enfant ? demandai-je.
    – Oui ; le voler, l’emporter, en faire un bohémien, un bandit qui finira un jour sur un échafaud !
    – Je me charge de tout cela ! dis-je alors.
    – Il faudra que tu me montres l’enfant.
    – Comment saurez-vous que c’est bien lui ?

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