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La Cour des miracles

Titel: La Cour des miracles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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confusément :
    – Ah ! c’est toi qui l’as tué… Ah ! c’est toi, sorcière…
    La bohémienne donna une violence secousse… mais les doigts de fer demeurèrent plantés dans sa gorge où ils semblaient s’enfoncer lentement.
    Elle râla, battit l’air de ses bras… ses yeux se convulsèrent… puis, tout à coup, sa tête retomba mollement sur ses épaules.
    Le grand prévôt continuait à serrer, mais d’un geste sans colère maintenant… déjà il oubliait !
    Et comme la porte battue à grands coups s’ouvrait enfin avec fracas, défoncée, il lâcha le cadavre de la bohémienne qui tomba lourdement à ses pieds, et il regarda les deux hommes qui, haletants, faisaient irruption dans le logis.
    C’étaient Manfred et Lanthenay.
    En un instant, celui-ci eut défait le nœud que la bohémienne avait passé au cou du comte de Monclar.
    – Il était temps, dit Manfred.
    Lanthenay, silencieux, contempla un instant le cadavre de la vieille bohémienne qui avait été sa mère.
    Puis son regard remonta jusqu’au comte de Monclar. Et tout naturellement, comme si le fou pût le comprendre, il dit tristement :
    – Venez, père…
    Le fou n’entendit ou ne comprit pas ce nom.
    L’effort qu’il avait fait pour étrangler la bohémienne avait brisé ses forces.
    Il se laissa emmener avec une morne docilité.
    Maintenant, Manfred et Lanthenay se trouvaient dans une vaste chambre faiblement éclairée.
    Car, bien qu’il fît grand jour, les rideaux et les volets tirés entretenaient dans cette chambre une obscurité que combattait seule la lueur d’un cierge de cire.
    Ce cierge brûlait près d’un lit…
    – Asseyez-vous, père, dit gravement Lanthenay.
    Il conduisit le comte de Monclar à un fauteuil où il s’assit, tranquille, rêvant à des choses lointaines… très lointaines du spectacle qu’il avait sous les yeux et qu’il ne voyait pas…
    Lanthenay, violemment ému, s’approcha du lit, tandis que Manfred, découvert et le front penché, se tenait debout près du comte de Monclar.
    Près du chevet du lit, agenouillée, la figure cachée dans les deux mains, une jeune fille sanglotait doucement.
    – Avette ! murmura Lanthenay d’une voix étranglée par l’émotion.
    Alors, les yeux de Lanthenay se fixèrent sur le lit…
    Sous le drap tiré se dessinait la forme d’un cadavre…
    – Pauvre Julie ! murmura le jeune homme. Pauvre femme martyre ! Morte de la mort de celui que tu aimais ! Le bûcher d’Etienne Dolet a brûlé l’homme et tué la femme… Les monstres qui ont organisé ce forfait de supplicier le grand penseur au nom de leur Dieu, au nom de leur religion de crime et d’infamie, ne savent pas qu’ils t’ont assassinée du même coup ! Tu es morte de douleur, pauvre femme… mais déjà te voilà vengée… car l’un de ceux qui se sont acharnés contre l’homme que tu aimais est là, devant ton cadavre, cruellement puni… et c’était le moins coupable !
    Avec un soupir étouffé, Lanthenay se tourna vers son père qui, souriant d’un sourire inconscient, tenait ses yeux attachés sur la pâle lueur du cierge qui éclairait le cadavre de la femme d’Etienne Dolet…
    Alors Lanthenay se pencha vers Avette et la toucha à l’épaule.
    – Avette, dit-il, il faut vous arracher à ce triste spectacle…
    Elle secoua la tête.
    – Cher bien-aimé, répondit-elle, laissez-moi encore auprès d’elle…
    – Soit… nous resterons donc ici jusqu’à l’heure où il faudra nous séparer à jamais de cette pauvre dépouille…
    Alors, à bout de forces, elle se laissa tomber dans les bras de son fiancé, toute secouée de sanglots, murmurant confusément des mots sans suite où revenait cette parole :
    – Seule, maintenant ! Sans père ni mère… Morts tous deux ! Seule au monde !
    – Je vous reste, moi, dit Lanthenay avec une grande douceur… Et puis, Avette… si vous n’avez plus de mère… si vous n’avez plus de père… peut-être aurez-vous quelqu’un à aimer comme un père… quelqu’un sur qui vous laisserez tomber la miséricorde et le pardon de votre regard… quelqu’un vers qui vous irez… comme les anges doivent aller vers les damnés…
    Surprise, elle l’interrogea des yeux, n’osant, ne pouvant parler…
    Et lui, tout en lui versant ces paroles mystérieuses dans l’oreille, l’avait lentement entraînée, conduite devant le fauteuil où était assis le fou… le comte de Monclar… celui qui avait présidé au

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