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La Cour des miracles

Titel: La Cour des miracles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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féline et dure, elle arrachait à Jean le Piètre des paroles qui lui brûlaient la gorge.
    – Il a lu, reprit-elle. Mais quel air avait-il ? A-t-il souri ?…
    – Oui !… il a souri…
    – Je connais bien ce sourire, rêva tout haut la Belle Ferronnière ; sourire de roi qui croit que tout est à lui, sourire d’homme las de ses bonnes fortunes, et qui s’imagine faire l’aumône quand une femme s’offre à lui… Et qu’a-t-il dit ?
    – Il a dit : C’est bien, j’y serai…
    – L’heure approche, Jean !
    L’homme frémit.
    Elle se leva, alla à la cheminée, attisa le feu, comme si elle eût eu froid. Jean la regardait aller et venir avec des yeux hagards, et, en réalité, elle ne cherchait qu’à prendre les attitudes dignes d’affoler cet homme.
    Alors, elle ouvrit un coffret sur une table et en tira un solide poignard.
    – Tu vois ce joujou ? dit-elle.
    Il fit un signe de tête.
    – Eh bien, c’est lui qui me l’a donné… oui, un soir, j’ai vu ce poignard suspendu à sa ceinture, je le lui ai pris par caprice, et lui me dit de le garder et ajouta en souriant :
    – « Peut-être vous servira-t-il un jour ! »
    Elle se mit à rire doucement.
    – Et voici que le poignard va servir ! dit-elle.
    Elle alla à Jean le Piètre, lui mit l’arme dans la main, et devenue grave :
    – Tu ne trembleras pas ?
    – Non ! dit-il avec un accent de haine incurable, – la pire des haines, celle que fait naître la jalousie.
    – Rappelle-toi que tu ne dois frapper que si j’appelle !… Obéiras-tu à cela ?
    Il hésita une seconde et répondit :
    – Je ne frapperai que si vous appelez…
    Mais son hésitation avait suffi pour donner à Madeleine Ferron la certitude que Jean le Piètre frapperait, même si elle n’appelait pas.
    Quelle était donc la pensée intime de la Belle Ferronnière ? Si nous voulions obéir aux règles ordinaires de ce qu’on appelle un roman, il nous faudrait montrer ce personnage tout d’une pièce, poursuivant François I er d’une haine mortelle jusqu’à ce que cette haine soit assouvie. Mais la vie n’est point si absolue.
    Force nous est donc de déclarer que Madeleine Ferron haïssait bien le roi, mais qu’elle l’aimait peut-être plus encore qu’elle ne le haïssait, ou plutôt que sa haine n’était guère, au fond, que de l’amour aigri.
    Qu’on ne se hâte pas d’en conclure qu’elle ne tenait pas à sa vengeance…
    Elle voulait réellement tuer le roi. Elle souhaitait réellement le voir mourir de la mort terrible qu’elle avait imaginée.
    Mais peut-être cherchait-elle, dans une dernière entrevue avec l’amant condamné, une volupté suprême.
    Peut-être, aussi, voulait-elle s’assurer que François I er était bien réellement atteint par l’affreuse maladie… par le poison mortel.
    Elle s’était posé à elle-même ce dilemme :
    Ou François est atteint par le mal, et il en mourra ; ou il n’est pas atteint, et je le ferai poignarder.
    En réalité, elle ne s’avouait pas qu’elle avait un ardent désir de revoir son amant.
    Quant au danger qu’elle pouvait courir, quant à la probabilité d’être tuée par l’amant ou d’être arrêtée et jetée en quelque oubliette, elle n’y avait pas songé.
    Le roi François I er avait bien reçu le billet de la Belle Ferronnière, et Jean le Piètre n’avait menti sur aucun point.
    Le billet contenait ces mots :
    « Une femme jeune et belle vous aime. Depuis votre arrivée à Fontainebleau, elle rêve du baiser que vous daignerez peut-être lui accorder. Ce soir, à dix heures, vous serez attendu. »
    François I er était dans toute l’acception du terme un « homme à femmes ». Il avait eu mille aventures de ce genre, et eût pu faire relier un volume in-folio de tous les billets doux qu’il avait reçus.
    Celui-ci ne le surprit donc en aucune manière.
    Il s’était contenté de caresser sa barbe grisonnante et avait murmuré :
    – Quelque petite bourgeoise, sans doute…
    Puis il avait demandé à Jean le Piètre des renseignements sur la maison où on l’attendait, et, finalement, avait répondu :
    – Dis que j’irai…
    Vers neuf heures, le roi avait revêtu le costume à demi bourgeois qu’il revêtait pour ces sortes d’équipées.
    Puis il avait donné l’ordre à Bassignac, son valet de chambre, de lui aller chercher l’une des femmes de la duchesse de Fontainebleau.
    C’était son habitude, depuis son arrivée à

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