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La Cour des miracles

Titel: La Cour des miracles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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Gypsie.
    La bohémienne s’arrêta court, stupide d’étonnement.
    Cet homme, c’était le grand prévôt… c’était le comte de Monclar !
    Il tenait toujours à la main sa lanterne éteinte et grommelait :
    – Je vous dis qu’il m’appelle… laissez-moi passer !
    Quelques domestiques de l’hôtel suivaient pas à pas leur maître et essayaient parfois de le ramener en arrière.
    Mais lui, actif, les écartait d’un geste et s’avançait rapidement.
    La Gypsie était demeurée un instant étourdie devant ce lamentable spectacle.
    Comme il passait près d’elle, elle l’entendit murmurer :
    – Il a beau faire nuit, j’y vois clair tout de même… Attends, mon fils… je vais ouvrir les cadenas des chaînes…
    Une révélation foudroyante se fit dans l’esprit de la bohémienne :
    Le comte de Monclar lui échappait à tout jamais !
    La folie le sauvait de la vengeance qu’elle rêvait !
    Machinalement, elle se mit à le suivre.
    Le fou, cependant, avait quitté la rue Saint-Antoine et s’était enfoncé en ce dédale de petites ruelles qui avoisinait la rue Saint-Denis.
    Elle allait, courant quand il se mettait à courir, s’arrêtant quand il s’arrêtait, tâchant de reconstituer, d’après ses paroles, la vision exacte du dément, s’efforçant aussi de mettre un peu d’ordre et de calme dans sa propre pensée.
    Il fallait qu’elle fît souffrir le comte de Monclar !
    Et puisqu’elle ne pouvait plus le torturer dans son cœur, eh bien, elle le ferait souffrir dans son corps ! Elle condamnait à mort le grand prévôt.
    Et elle se préparait à exécuter la sentence.
    Sa résolution prise, la bohémienne, frissonnante, s’approcha du comte de Monclar et le toucha au bras.
    Mais elle se sentit violemment repoussée par l’un des domestiques qui suivaient le fou.
    – Arrière, femme ! dit cet homme.
    – Vous ne voulez donc pas qu’il soit sauvé ? dit-elle.
    Le valet regarda plus attentivement la bohémienne et reconnut la vieille qui était entrée chez son maître.
    – J’ai un moyen de le guérir, continua-t-elle.
    – Il faut la laisser faire ! s’écria un autre valet. Cette vieille sorcière connaît les herbes qui guérissent…
    – Certes ! affirma-t-elle.
    Et, sans plus s’occuper des laquais et de la foule, elle s’approcha de nouveau du comte de Monclar et murmura à son oreille :
    – Je sais où est votre fils… Il vous attend… venez…
    Le fou s’était arrêté, indécis d’abord ; puis, souriant, il prit la main de la bohémienne :
    – Vrai ? Tu sais où il est ?
    – Je vous dis qu’il vous attend et qu’il m’a envoyée…
    – Allons vite…
    Elle garda dans sa main la main du grand prévôt et l’entraîna.
    – Voyez ! voyez ! s’écria l’un des valets. Elle l’a déjà dompté… il la suit docilement.
    Lorsque la Gypsie arriva à la Cour des Miracles, les domestiques du comte de Monclar voulurent y entrer avec elle.
    Mais on n’entrait pas si facilement dans le royaume d’Argot. La bohémienne n’eut qu’un signe à faire : les valets se virent entourés, bousculés, repoussés et finalement expulsés.
    L’arrivée du grand prévôt à la Cour des Miracles en compagnie de la Gypsie fit sensation.
    Une centaine de truands entourèrent aussitôt le fou.
    Ils ne criaient pas… Mais leurs regards chargés de haine parlaient pour eux !
    Quelques-uns tiraient déjà leurs poignards.
    La Gypsie étendit le bras et plaça la main sur la tête du grand prévôt.
    – Cet homme est à moi ! dit-elle de sa voix coupante.
    Et elle ajouta aussitôt :
    – D’ailleurs, rassurez-vous ! Cette fois, il ne nous échappera pas. J’en réponds !
    Et ces paroles étaient accompagnées d’un tel sourire et d’un tel regard que les poignards rentrèrent dans leurs gaines…
    Monclar était demeuré indifférent à cette scène, ne paraissant même pas se douter du lieu où il se trouvait.
    Seulement, il répétait sans impatience, avec une morne obstination :
    – Allons vite…
    La bohémienne le reprit par la main et l’entraîna. Arrivée chez elle, la Gypsie ferma soigneusement la porte.
    – Où est-il ? demanda Monclar.
    – Tout à l’heure… Attendez…
    – Oui, oui, j’attendrai…
    Elle réfléchissait profondément. Tout ce qu’elle avait de volonté, d’énergie se concentrait sur ce point : tuer le grand prévôt.
    Simplement, elle cherchait le genre de mort.
    Ou, pour être plus exact,

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