Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La couronne dans les ténèbres

La couronne dans les ténèbres

Titel: La couronne dans les ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
Vom Netzwerk:
qu’ils considéraient tout visiteur comme une preuve visible de la Grâce divine. Ils l’assaillirent de questions sur son voyage, sur Kinghorn et sur la reine Yolande jusqu’à ce que le prieur y mît le holà et fît remarquer que leur hôte avait besoin de se reposer.
    Corbett prit un bain dans la seule baignoire en bois de l’hostellerie de l’abbaye avant de s’habiller et d’aller aux cuisines avaler un morceau de pain et du poisson poché dans du lait. Il se rendit ensuite à la bibliothèque. Le crépuscule était déjà tombé, mais le vieux bibliothécaire fit allumer les torches au mur et donna à Corbett ce qu’il avait demandé, à savoir une bougie et un exemplaire lu et relu de Sic et Non, la brillante satire de théologie scolastique écrite par le docteur Abélard, ce clerc parisien qui avait perdu sa famille — et ses parties viriles — pour avoir ridiculisé les théologiens avant d’aggraver sa faute en tombant amoureux d’une femme. Corbett aimait cette logique remarquable qui s’exprimait avec un humour si spirituel que n’étaient offensés que ceux qui le voulaient bien. Il lut l’ouvrage avec grande attention, la limpidité de la langue et la poésie de l’argumentation éclaircissant ses pensées et calmant son esprit. La nuit était venue. Par crainte du feu, le bibliothécaire chassa gentiment le clerc qui alla se promener dans le petit jardin aux simples en réfléchissant minutieusement à ce qu’il avait appris durant sa visite à Kinghorn. Tout en marchant, il débattit avec lui-même jusqu’à ce que sonnent complies. Il revint alors dans l’église abbatiale dont les piliers ronds et massifs soutenaient les voûtes en arête de la haute nef. Il remonta la nef et pénétra dans le choeur carré dont les moines occupaient déjà les bancs latéraux. Le chantre se leva et commença la prière, mettant les frères en garde contre Satan qui rôdait de par le monde comme un lion affamé guettant ses victimes. Rêvassant sur son banc, Corbett n’eut aucune peine à se l’imaginer et se demanda si cette fois Satan réussirait à le trouver, lui.

CHAPITRE IV
    Oui, Satan rôdait en Écosse et plus précisément dans les appartements et les couloirs du château d’Édimbourg. Le roi Alexandre était mort. Ses restes putréfiés gisaient à présent sous les dalles grises et froides d’une abbaye, son autorité implacable avait disparu et, dans tout le château, les nobles convoqués à l’assemblée complotaient et intriguaient. Des amitiés se brisaient, de nouvelles alliances se nouaient, d’anciennes se défaisaient par trahison, car les grands barons, autant que les hommes de cour et les officiers importants, avaient senti le parfum enivrant du pouvoir, de l’influence et de la richesse qui pourraient être les leurs, maintenant que le trône était vacant par suite de l’absence de tout héritier. Alexandre les avait tenus en laisse, obéissants et bien dressés, mais, à présent, la sensation de puissance et de liberté leur montait presque à la tête.
    Dans ses appartements, Lord Bruce ne faisait pas mystère de ses sentiments, mais, en homme pratique, il considérait simplement le pouvoir comme quelque chose à conquérir et à exercer. Assis près de la fenêtre, tenant fermement un gobelet de vin  dans ses mains, il regardait fixement la nuit qui tombait. Le roi était mort. Dieu merci ! pensa Lord Bruce. Un mari infidèle ! Un débauché ! Un remarquable homme de guerre, certes, mais les Bruce avaient autant de droit à la Couronne que lui, et maintenant le trône était vacant. Lord Bruce s’agita et s’emmitoufla un peu plus dans sa cape. La confusion allait régner, réfléchit-il, et il en sortirait forcément un homme fort, un chef qui dirigerait le pays d’une main de fer et mettrait au pas les clans sauvages du Nord, les navigateurs des îles et les riches barons normands du Sud. Lord Bruce se réjouissait de la mort du roi. Il se sentait coupable des pensées qui l’assaillaient et qu’il lui faudrait confesser pour recevoir l’absolution, car ses idées étaient à elles seules de la haute trahison. L’espace d’un instant, il se demanda quelle part de responsabilité était la sienne ; en effet, n’avait-il pas souhaité la mort du roi ? N’avait-il pas presque dansé de joie lorsqu’on avait ramené la dépouille royale de Kinghorn ? Il devrait dissimuler ce genre de pensées, car elles pourraient bien faire resurgir de

Weitere Kostenlose Bücher