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La couronne de feu

La couronne de feu

Titel: La couronne de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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étouffés. Le théologien voulut savoir si le soi-disant dauphin avait lui-même des visions, Jeanne protesta avec véhémence.
    – Passez outre ! Épargnez-moi ces questions. Je ne puis répondre à la place de Sa Majesté. Pour ce qui est de mes voix, il n’est pas de jour, ou fort peu, que je ne les entende et qu’elles ne me réconfortent. Je ne leur demande d’autre récompense que le salut de mon âme.
    – Vous auraient-elles incitée à attaquer Paris un jour de fête religieuse ?
    – Elles me dirent que je devais rester à Saint-Denis. J’étais disposée à leur obéir, mais les gens de ma suite m’entraînèrent contre ma volonté. Si je n’avais pas été blessée, j’aurais poursuivi le combat.
    Un frère mineur nommé Touraine demanda à la Pucelle si elle avait vu des cadavres d’Anglais sur un champ de bataille.
    – En nom Dieu, oui, et souvent ! Mon souhait est que les Anglais retournent dans leur pays !
    Alors que Beaupère et le vicaire de l’Inquisiteur échangeaient quelques mots en aparté, l’attention de Jeanne fut attirée par une porte qui venait de s’ouvrir à demi du côté des appartements royaux. Elle en vit surgir à mi-corps un garçon vêtu d’une houppelande de petit-gris et coiffé d’un chapeau noir à écharpe, qui la fixait avec une telle intensité qu’elle en fut troublée. Elle lui sourit ; il lui rendit son sourire, puis il disparut brusquement dans le claquement sec de la porte.
     
    Lorsque l’évêque leva la séance, Jeanne se sentait pleine d’une brume sonore. On l’avait arrachée à la solitude de sa prison pour la jeter dans une arène, en proie à des attaques qui fusaient comme un feu roulant dans le but de la tourmenter et de la confondre. Elle en gardait l’impression d’une confusion, avec une crainte : avait-elle convenablement répondu, aussi bien qu’aurait pu le faire un avocat ? Elle en doutait : elle ne parlait pas le même langage que ces juristes et ils étaient bien disposés à ne pas l’entendre.
    Massieu la rassura :
    – Par ma bosse, je t’affirme que tu as répondu comme il le fallait et que tu as mis tes juges dans l’embarras. Mais prends garde : ils ont plus d’un tour dans leur sac. Quand tu as dit que les Anglais devaient retourner chez eux, j’ai entendu un seigneur de Londres déclarer : « Voilà une vraie femme ! Je regrette qu’elle ne soit pas anglaise. »
    Jeanne n’avait pas été longue à comprendre où le tribunal voulait en venir : l’amener, en la harcelant, à provoquer chez elle des réflexions maladroites et à se contredire. Par chance, elle avait su garder son calme pour ne pas exaspérer ses juges, et rester vigilante pour ne pas donner prise aux attaques sournoises. Ces gens étaient des renards ; elle devait se défendre d’eux comme une louve et ne distribuer des coups de griffes et de dents qu’à bon escient.
     
    Pour la troisième audience, même lieu, mais avec un nombre d’assesseurs accru.
    Qui étaient ces gens ? Des prélats, des moines, des seigneurs, des notables... Les Français reniés étaient en majorité ; la plupart des assesseurs ne s’étaient rendus à la convocation de l’évêque que pour s’éviter des représailles en cas de refus.
    Jeanne faillit se rebiffer vertement lorsque Pierre Cauchon lui demanda de renouveler son serment.
    – Vous risquez beaucoup, monseigneur, en m’accablant comme vous le faites. Vous vous passerez d’un nouveau serment : j’ai déjà juré deux fois !
    – Par cette attitude obstinée, vous vous rendez suspecte au tribunal !
    – Je suis au monde de par Dieu, et...
    D’Estivet l’interrompit brutalement :
    – Parle plus fort, chienne ! Nous ne comprenons rien à ton charabia !
    – Je disais que je suis au monde de par Dieu et que ma place n’est pas devant ce tribunal. Renvoyez-moi à Dieu !
    – Ce sera plus tôt que tu ne le penses ! répliqua d’Estivet.
    Elle le foudroya du regard ; il baissa les yeux.
    Le manchot Beaupère remonta au créneau avec un enchaînement de questions qui sentaient le traquenard sous une apparence d’absurdité : quand avait-elle mangé et bu pour la dernière fois ? Ses voix s’étaient-elles manifestées ces jours derniers ? Y avait-il des touchers, des effleurements ? Était-elle en état de grâce ?
    Là, Jeanne sursauta :
    – Si je n’y suis, dit-elle, que Dieu m’y mette. Si j’y suis, qu’Il veuille m’y garder. Je serais bien malheureuse si je n’étais dans la grâce de

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