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La couronne de feu

La couronne de feu

Titel: La couronne de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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Dieu. Si j’étais en état de péché mes voix se tairaient.
    Les questions se bousculaient, se brouillaient dans sa tête. Le jeûne qu’elle avait observé la veille lui mettait du coton dans le corps et des nuages dans la tête. Elle réprima à plusieurs reprises l’envie de se lever et de dire à ces renards de cesser de la harceler. Alors que la voix en coups de fouet d’Estivet claquait à ses oreilles elle eut une défaillance et roula sur le sol. On la releva à demi inconsciente. L’évêque lui demanda benoîtement si elle souhaitait que l’on remît cette audience ; elle préférait que l’on en finît.
     
    La suite de l’audience porta sur un sujet qui lui était cher : ses jeux innocents autour de l’arbre et de la fontaine dont les fiévreux venaient puiser l’eau pour leur guérison, les fêtes de Laetare Jerusalem ...
    – Sorcellerie ! s’écria le promoteur. Cette garce est une créature du diable !
    Jeanne reprit sans se laisser démonter :
    – On a pu dire que c’est à l’arbre des fées, près de la vigne de mon père, que ma mission m’a été dictée, mais c’est faux ! Une prophétie courait le pays, selon laquelle une vierge sortirait du Bois-Chenu pour faire des merveilles, mais je n’y ai jamais cru.
    Sautant sur un autre sujet, Beaupère lui posa une question insidieuse : voulait-elle qu’on lui donnât un habit de son sexe ?
    – Eh bien, répondit-elle, donnez-m’en un ! Je m’en vêtirai et je partirai. Sinon je me contenterai de celui que je porte, puisque cela plaît à Dieu...

Rouen, février 1431
    La Hire mit le nez à la fenêtre ouvrant sur la place principale de Louviers, face à l’église aux portes brûlées lors de la retraite des Anglais. Il recula sous une gifle de neige et de vent glacé.
    – C’est pure folie, dit-il, de partir avec ce temps de chien. Tu risques de te perdre.
    – Il le faut, répondit Gilles. Mes hommes m’attendent à Sotteville et de l’autre côté de la Seine, à Amfreville. Si je n’arrive pas dans les délais prévus ils se disperseront. Pour ne pas risquer de m’égarer je suivrai le cours de la Seine. Adieu, mon frère ! Si tu ne me vois pas revenir d’ici une semaine, ce sera que...
    – Tu reviendras, et avec Jeanne !
    Ils s’embrassèrent en pleurant.
    – J’aimerais être à ta place, ajouta La Hire.
    – Nous avons joué la décision aux dés et j’ai gagné. Sais-tu ce que Jeanne aimerait ? Que tu pries pour la réussite de cette expédition.
    – Je veux bien essayer mais je ne promets rien. Je connais davantage de chansons de route que de prières.
     
    Gilles avait choisi, pour composer sa troupe, une cinquantaine d’hommes parmi les plus costauds et les plus décidés. La plupart avaient rencontré Jeanne à Orléans, à Patay, sur le chemin du sacre ; tous détestaient les Anglais et les Bourguignons. Il n’avait pas été facile de leur faire abandonner leur tenue de soldats pour les vêtir de sarraus, les coiffer de capuches, les chausser de sabots : des artisans de Louviers et un négociant en tissus y avaient pourvu. La troupe avait pris l’apparence d’une bande de vilains partis bûcheronner, encore que la saison et le temps n’y fussent guère favorables. Tous, y compris Gilles, iraient à pied.
    Avant de trouver la Seine, Gilles dut descendre l’Eure jusqu’au Pont-de-l’Arche. Pris par les glaces, le fleuve laissait au milieu de son lit un passage pour les embarcations.
    Gilles retrouva son second au soir de cette pénible randonnée. Thierry avait réussi à faire passer ses hommes à Amfreville, à louer quelques chalands et à les charger de bûches et de fagots.
    À l’heure prévue, par un temps aussi tourmenté et froid que les jours précédents, on embarqua la majeure partie des hommes dissimulés sous le chargement, les autres étant occupés à la manoeuvre, tous dissimulant leurs armes sous leur sarrau.
    Il fallut moins d’une heure pour arriver au port de Rouen, libéré des glaces et où, déjà, des péniches débarquaient le bétail destiné à la boucherie. Il régnait un tel désordre aux abords des portes qu’il fut facile de négocier l’entrée dans la cité.
    Attelé d’un couple de boeuf au départ d’Amfreville, le premier chariot fut soumis à une brève inspection, les conducteurs des suivants, chapitrés par Gilles, marquant leur impatience et pressant l’officier anglais de hâter la formalité. Il s’avança vers Gilles, s’informa de la

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