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La couronne de feu

La couronne de feu

Titel: La couronne de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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l’audience suivante que l’évêque ouvrit de fort méchante humeur, il fut d’abord question du Saint-Père, sous forme de piège à l’intention de Jeanne. Pierre Cauchon lui demanda quel était le vrai pape 1 .
    La question laissa Jeanne perplexe. Y en avait-il deux ou plusieurs ? L’évêque sourit derrière sa main. Il rappela à l’accusée le message qu’elle avait reçu naguère du comte d’Armagnac, dans lequel il lui demandait de lui désigner, parmi les trois papes en compétition, celui auquel il devait obéissance.
    – En vérité, dit-elle, je ne savais à quel pape donner ma foi. Alors, j’ai fait confiance à celui qui est à Rome. J’ai dicté la lettre dont vous parlez dans la précipitation d’un départ, en remettant ma réponse à plus tard.
    Jean d’Estivet reprit la balle au bond.
    – Tu t’es rendue coupable de prétention et de jactance en prétendant en savoir autant sinon plus que la Sainte Église. Prétendre être en mesure de désigner le véritable Souverain Pontife alors que l’on a encore de la paille dans ses sabots, quelle présomption !
    Le promoteur révéla à l’assemblée que, dans sa cellule, devant ses visiteurs ou ses gardiens, elle vaticinait volontiers. Qu’avait-elle raconté, durant son indisposition, à l’un de ses gardiens, John Grey ?
    – Je lui ai dit qu’avant sept ans les Anglais auront perdu la France, à la suite d’une grande victoire que Dieu donnera aux Français.
    On voulut savoir l’année exacte, le jour, l’heure. On l’assaillait sèchement de questions, on la coupait dans ses réponses, on l’insultait. L’évêque se trémoussait dans son fauteuil. L’ambiance s’enfiévrait. Elle laissa sereinement s’apaiser le tumulte avant de répondre qu’elle ignorait la date exacte, mais qu’avant la Saint-Martin de novembre se produiraient des événements défavorables aux Anglais.
    – Je le sais par révélation ! cria-t-elle. Aussi bien que je vous vois !
    Par un de ces changements de cap si fréquents dans cette procédure, Pierre Cauchon demanda à Jeanne ce qu’elle avait fait de sa mandragore, cette racine magique à laquelle les sorciers attribuaient des vertus magiques. La mandragore ? elle ne savait ce que c’était et n’en avait jamais porté sur elle.
    Retour sur les visites de ses frères du Paradis ! Parlaient-ils la langue anglaise ? Pourquoi l’auraient-ils parlée puisqu’ils n’étaient pas du parti anglais ? Saint Michel était-il nu ? Ridicule ! pouvait-on imaginer que Dieu ne pouvait le vêtir ? Avait-il des cheveux ? Pourquoi les lui aurait-on coupés ?
     
    De retour dans sa prison à la suite de cette audience épuisante et grotesque, Jeanne demanda à Massieu la permission de faire halte dans la chapelle Saint-Gilles pour une courte prière.
    – C’est impossible, Jeanne, tu le sais !
    – Alors laissez-moi au moins m’agenouiller devant la porte.
    – Ça, je puis te le permettre, mais fais vite !
    Les gardiens ne s’opposèrent pas à cette requête. Elle s’agenouilla sur le seuil, les bras écartés, un bref moment.
    Le lendemain, lorsque l’huissier vint remplir son office, il était d’une humeur de dogue : informé de cette pieuse halte, d’Estivet l’avait injurié, lui reprochant d’être le complice de cette putain et menaçant de le faire jeter dans un cul-de-basse-fosse. Lorsque Jeanne passa devant la chapelle elle constata que le promoteur se tenait sur le parvis, les bras croisés sur sa poitrine, la mine rogue, son lupus lui faisant aux lèvres une tache de sang.
     
    Comme la précédente, la sixième audience n’apporta qu’un lot de questions oiseuses et absurdes. On chipota l’accusée au sujet de l’idolâtrie qu’elle suscitait dans la population, sur les anneaux qu’elle avait offerts – à qui ? elle ne s’en souvenait plus – sur les attouchements des femmes, sur le nourrisson qu’elle avait, disait-on, ressuscité...
    Le procès tournait en rond et les Anglais commençaient à manifester leur impatience d’en finir. Les assesseurs venaient de moins en moins nombreux, écoeurés pour la plupart par les conditions de cette procédure et la malignité des juges. Le vice-inquisiteur Jean Lemaître s’abstint de paraître, passé les premières séances.
    Après quelques jours de repos, décision brusque de Pierre Cauchon : les derniers interrogatoires se dérouleraient dans la prison, en présence seulement de cinq docteurs solennels . La raison de ce

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