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La couronne de feu

La couronne de feu

Titel: La couronne de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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accoutrement.
    Maître Clément est le tailleur de la Cour : c’est à lui que le roi et la reine confient le soin de les vêtir, eux et leurs proches. Jeanne s’insurge :
    – Vous me demandez de me dévêtir, là, devant vous ?
    – Cela me semble indispensable. Vous pouvez le faire derrière cette tapisserie ou dans la pièce voisine, mais je dois vous dire que j’ai l’habitude de prendre les mensurations des dames et que cela ne me trouble en aucune manière. D’ailleurs, vous pourrez garder votre chemise qui, entre nous, aurait besoin d’un sérieux raccommodage.
    Elle obtempère de mauvaise grâce sans qu’il ait un regard pour elle, se dépouille de son pourpoint et de ses chausses, ne garde que sa chemise courte et son caleçon de lin. Maître Clément s’approche avec autour du cou le ruban qui lui sert d’aune, se met en devoir de prendre la mesure du tour de poitrine. Elle le repousse violemment et l’envoie buter contre un coffre.
    – Interdiction de me toucher ! s’écrie-t-elle. Aucun homme ne l’a fait à ce jour.
    Il se redresse, penaud, rouge de confusion, promet de ne pas l’effleurer, ajoute qu’il fera au jugé mais qu’il ne promet rien quant à la qualité de son travail.
    En reprenant son habit d’homme elle se souvient des propos du frère Richard, lors de leur première rencontre sous les murs de Troyes, l’été précédent. Il lui a dit, avec cette expression de colère froide qui rend son aspect redoutable :
    – Si l’on en croit les arbitres de la mode il faut être tel jour vêtu de blanc, tel autre de noir ou d’une autre couleur. Si aujourd’hui la mode impose de porter la robe longue comme celle d’un clerc de l’Université, demain on conviendra de la raccourcir. C’est pour avoir dénoncé de tels abus que je fus chassé de Paris !
    À Sully, chaque matin il faut choisir une toilette que l’on portera jusqu’à la mi-journée, en changer pour le dîner, puis de nouveau pour le bal dans la grande salle du premier étage où l’on tresse des rondes autour des piliers de bois. Avant le coucher il faut songer à la toilette que l’on arborera le lendemain, savoir si l’on se coiffera en bourrelets à pain fondu, avec le grand ou le petit hennin, à corne ou sans, et ainsi de suite jusqu’à l’épuisement de la garde-robe. Il en va de même pour les hommes : leurs costumes ruissellent de passementeries, de liens de soie, de glands d’or, de boucles de diamants. Et de faire des manières, de parler suave, de prendre au milieu des dindes des allures de dindons...
    À la suite d’une prise de bec feutrée avec Madame Catherine qui lui reprochait sa négligence vestimentaire, Jeanne a failli reprendre ses habits masculins, les seuls dans lesquels elle se sente à l’aise. On sourit sur son passage, on pouffe de rire dans son dos, on se montre du doigt cette paysanne qui ne change de robe qu’une fois tous les deux jours ! Elle serre les dents et passe outre. On ne la prie pas à danser ? Elle fait tapisserie et ne s’en porte que mieux.
    Toutes ces vanités, toutes ces futilités l’exaspèrent mais ne hantent pas ses nuits. Il y a plus important.
    Chaque matin, au saut du lit, elle s’interroge : le roi va-t-il enfin se décider à riposter aux provocations de Philippe ? Attend-il que le duc soit aux portes de Bourges et les Anglais sous les murs d’Orléans ? Lorsqu’elle le croise dans les allées du parc, occupé à une partie de boules ou de quilles, elle peut lire dans son regard furtif de la rancune et de la tristesse, comme s’il craignait qu’elle ne l’aborde en lui disant : « Alors, sire, quand allons-nous passer à l’action ? » Elle poursuit son chemin sans un mot ; elle sait que Charles a plus de goût pour les boules que pour les boulets.
     
    Chaque matin Jeanne se lève avec le jour, prend un léger matinel et, après sa toilette, franchit la tour carrée du châtelet donnant sur les douves et le parc. Un petit pont de bois à bascule donne accès aux premiers quartiers de la ville.
    La petite église Saint-Ytier, dédiée par Maurice de Sully, il y a près de quatre siècles, à la cathédrale Notre-Dame de Paris, son oeuvre, est à quelques pas du fossé. Elle vient là s’agenouiller, se confesser, demander la communion les jours de jeûne, attendre quelque signe de ses frères du Paradis.
    Depuis des semaines, aucune manifestation de leur présence ! Tout juste si, parfois, elle voit se dessiner dans une brume légère

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