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La couronne de feu

La couronne de feu

Titel: La couronne de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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sire. Il n’en a pas eu le temps, jeune comme il est, mais je l’en crois capable, sur une inspiration divine, cela va de soi.
    – Peut-être pourrions-nous le mettre à l’épreuve, lui demander par exemple de changer l’eau de cette carafe en vin, de multiplier ces pains mollets...
    Sourire du prêtre : les miracles ne se produisent pas à la demande, mais ces stigmates ne sont-ils pas le signe d’un élu ? « Jeanne, songe le roi, n’avait pas besoin de signes pour témoigner du caractère divin de sa mission. » Dès qu’elle lui est apparue, qu’elle lui a parlé, il a compris qu’elle était la Fille Dieu qu’il attendait inconsciemment ; sans examen probatoire elle a accompli plusieurs miracles coup sur coup ; elle n’avait pas besoin d’un curé de campagne pour démontrer sa nature sacrée car elle portait dans son regard la lumière du ciel et sa seule présence constituait un prodige vivant. Le roi sent un éclair lui traverser le corps. Jeanne... oh ! Jeanne...
    Charles fait signe à La Trémoille de le suivre. Il l’entraîne dans le jardin inondé d’un brumeux soleil d’automne, lui dit :
    – Georges, me voilà dans l’embarras. Qu’allons-nous faire de ce pauvre garçon ? Croyez-vous sincèrement qu’il soit autre chose qu’un innocent berger un peu simplet ? N’y aurait-il pas là-dessous quelque imposture qu’on voudrait nous faire avaler ?
    – J’en suis au même point que vous, sire, mais je crois que ce benêt peut nous être utile. Il pourrait, avec quelque apprêt, remplacer Jeanne.
    – Vous vous moquez ! Remplacer Jeanne, quelle idée saugrenue ! Vous voyez Guillaume sous le harnois, à cheval, commandant une troupe, se portant bannière au vent au-devant des Godons ? Allons... allons...
    – Nous pourrions en faire un personnage d’une autre nature, sire, une sorte de symbole, une image sainte, un palladium. Les Anglais sont superstitieux au point de prendre Jeanne pour une sorcière. Ce petit berger qui semble sortir tout droit des Évangiles pourrait produire le même effet. Il suffirait de lui faire porter une bannière aux armes du Sauveur, de lui mettre une épée symbolique au côté et de le faire chevaucher à la tête d’une armée...
    – Très simple, en effet, Georges. Trop simple. Pour tout dire je ne crois pas en votre protégé. Nous pourrions le mettre à l’épreuve, mais cela risquerait de tourner au ridicule.
    – Certes, sire, mais, s’il se révèle inapte aux miracles, nous pourrons le remplacer facilement. Les créatures inspirées ne manquent pas : la Gasque d’Avignon, Catherine de La Rochelle, la Pierronne et sa soeur...
    Le rapace, son festin achevé, bat des ailes au sommet de l’arbre, laisse tomber ce qui reste de la dépouille du canard et s’envole dans un long cri rauque.
    – Soit... soupire le roi. Mettons-le à l’épreuve et, si la Vierge Marie lui apparaît, venez me prévenir.
     
    La visite du berger du Gévaudan a ranimé en Charles, avec quelques remords, le souvenir de Jeanne.
    Il a eu de ses nouvelles, fort vagues à vrai dire et sujettes à caution, d’émissaires de Dunois installé à Louviers, et par des agents postés dans les parages de Compiègne. Il a appris son transfert de Beaulieu à Beaurevoir, ses tentatives d’évasion manquées. Il souffre de l’imaginer enfermée dans une cage comme un fauve dangereux, malmenée, torturée, violée peut-être par la soldatesque. La nuit il lui arrive de s’éveiller en sursaut, la sueur aux tempes, le coeur battant lourdement, haletant : il l’a vue dans son rêve affamée, blessée, mourante entre les pattes de cette grosse araignée, Jean de Luxembourg, comme un insecte pris au piège dans la toile.
    Certitude absolue : Jeanne sera vendue aux Anglais, si ce n’est déjà fait. Ils mettront le prix qu’il faudra pour l’avoir, et ils l’auront. Le négociateur dans ce marché odieux, l’évêque Cauchon, est suffisamment roublard et fourbe pour mener les tractations à bien au profit de ses maîtres, les Anglais, sans oublier d’en tirer un bon parti car ce prélat vise, en plus de quelque pot-devin, la mitre pour Rouen et le chapeau de cardinal pour Rome. Des titres qui ne s’achètent pas avec quelques poignées de fèves.
    Sauver Jeanne ? Cette idée l’obsède. Mais que faire ? Proposer de l’échanger contre John Talbot ? Les Anglais lui riraient au nez. Lever une armée et en prendre le commandement ? Il ne s’en sent ni le courage ni le goût

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