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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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arrivée, entasser de la nourriture. J’aime trop les chevaux pour en manger… Du vin, de l’eau, du cidre… Exige aussi, Tristan, qu’aucune branche, aucune branchette ne soit jetée. A plus forte raison les débris et copeaux de merrain… Rien n’est pire que le froid pour contraindre le courage.
    Et ce fut le silence. Une lune blanchâtre, comme enneigée, apparaissait dans le ciel.

IV
     
     
     
    Après qu’ils eurent fait halte une journée à proximité de Mantes, ils s’engagèrent dans des chemins presque effacés, parmi des champs duméteux (338) dont les herbes montaient jusqu’au ventre des chevaux et aux cuisses des piétons. La noirceur des arbres rares et tourmentés ajoutait encore à la désolation des lieux. Cet automne-là prenait de jour en jour un aspect lugubre, et plus on avançait, plus le pays devenait gris, fricheux, d’une sévérité consternante.
    Il fallut s’enfoncer, parfois à la queue leu leu, dans des sentes et des battues où les ronces et les chardons, les gratterons et les aubépines s’épandaient avec une prolixité telle qu’on eût pu croire ce pays hanté par des sorcières. Le chemin ne s’élargit que lorsqu’il suivit le cours de la Seine. Deux chevaux purent alors y progresser de front. Tristan se retourna en entendant hurler un homme. C’était un sergent accoutumé à veiller aux portes du Louvre et sa fureur tombait avec son poing et son talon sur un jeunet qui venait de se coucher en refusant d’avancer.
    En cinq ou six foulées Alcazar fut près d’eux.
    –  Holà ! Que se passe-t-il ?
    – Il ne veut plus marcher !
    – Il ne peut plus marcher, compère. Quand on a un pareil visage, il est évident que l’on souffre… Quel est ton nom ?
    Le jouvenceau se souleva sur un coude :
    – Matthieu, messire. Mes heuses sont neuves. Dans une autre contrée, je les aurais ôtées pour aller nu-pieds, mais avec toutes ces épines…
    Seize ans. Roux aux yeux bleus. Une face pouparde. Solide. Son arc gisait dans l’herbe auprès de son carquois. Un long bow récolté sur un champ de bataille.
    Sous son chapel de Montauban orné d’un bout de plume d’aigle, le sergent avait, lui, une tête d’oursin. Son regard, d’une intensité difficilement acceptable, mit Tristan, peu enclin à se disputer, en fureur.
    – Tu ne crois pas ce qu’il t’a dit ?
    – Non.
    Cet homme devait être un excellent guerrier : des muscles, une substance humaine faite pour cogner trancher, percer, décerveler.
    – Déchausse-toi, dit-il au jouvenceau.
    Ce fut fait. Des orteils sanglants et gonflés apparurent. Les hommes d’armes qui n’avaient pas manqué de s’arrêter murmurèrent.
    – Alors ? fit Tristan.
    – Alors quoi ? demanda sobrement le sergent.
    – Irais-tu de l’avant avec des pieds pareils ?
    – J’essaierais.
    Il y eut à l’entour des murmures de surprise, de doute et d’approbation.
    – Je ne te le souhaite pas… Cela dit, tu me parais un homme de mérite doublé d’un hutin sans pitié Mieux vaut conserver ton ire pour les Navarrais et les Goddons que pour ceux qui les vont combattre !
    Sous les sourcils touffus, Tristan découvrit un regard bas dont il ne sut que penser. Il se vit approuver par la plupart des hommes devant lesquels se tenaient Tiercelet, souriant, et Bohémond hilare.
    – Ton nom ? demanda-t-il au sergent.
    – Milot… Milot d’Orly… à deux lieues de Paris.
    – Conviens-tu que depuis Paris, justement, ce jouvenceau a dû souffrir ?
    – Oui.
    Point de messire. Cette fois la piétaille assemblée manifestait une unanimité bruyante. Tiercelet riait. Paindorge, qui était demeuré sur Tachebrun, trouvait, lui qu’on perdait son temps. Tristan mit pied à terre et, tenant l’étrier d’Alcazar :
    Monte, Matthieu. Je marcherai. J’en ai besoin et j’ai des heuses de deux ans d’âge…
    Il se doutait qu’il indignait Milot. Il le dévisagea :
    – J’en aurais fait autant pour toi, mais tu as bon pied, bon œil.
    La piétaille approuva par des cris et des battements de mains. L’on repartit et comme Milot s’éloignait, Tristan le retint par sa ceinture d’armes :
    – Reste avec moi et parle-moi de toi, de tes batailles… Tiercelet, prends l’arc et le carquois de Matthieu. Il est jeune. Tu lui fourniras des leçons !
    *
    L’on était reparti tout au long de la Seine. Parfois apparaissaient un berger et son épouse emmitouflée dans une couverture. Ils veillaient sur

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