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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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ce vilain temps !… Oui, messires, il vous faut imiter Bertrand… Sombre, hideux même, mais quel grand cœur, messires !… Sa matoiserie me merveille autant que son courage. Il doit se marier avec une beauté.
    – Grand bien lui fasse à elle, dit Guillaume Séguier en touchant Tristan de son coude. Il est laid comme un singe et il pue comme un bouc.
    Le prince Charles s’était engoué pour cet homme. Il reprit, gonflant sa poitrine pour donner plus de force, sans doute, à son propos :
    – Un grand cœur. Souvenez-vous qu’il y a peu, il s’est porté otage pour Charles de Blois.
    – Bah ! fit Boucicaut qui sans doute s’était appuyé le dos au mur et ne tenait pas à se montrer, il n’était pas à Evran le 12 juillet lorsqu’on a convenu d’une trêve. C’est Charles de Blois qui l’a désigné… Et je puis affirmer qu’il était furieux, notre Breton, quand il fut remis à Robert Knolles ! Captif pour un mois sans avoir démérité (336) …
    Le prince Charles parut sourd. Frottant tout à coup le bras au bout duquel pendait sa grosse main comme pour le réchauffer, il donna libre cours à une sorte de courroux plaintif dont il n’avait point coutume :
    Il fait froid et sombre, messires. L’hiver sera rude. Prenez vos précautions… Nous sommes pauvres en or mais nullement en bois de chauffe… Préparez le fourrage : il se peut que les prés soient enneigés… Pendant que nous froidissons, Édouard, prince de Galles et d’Aquitaine, tient à Poitiers et Bordeaux la cour la plus brillante d’Europe avec Jeanne de Kent, cette…
    Une toux involontaire ou non interrompit le mot infâme.
    « Je m’ennuie, songea Tristan derechef. Pourvu que Tiercelet et Paindorge soient au sec et au chaud à m’attendre ! »
    Une envie, soudain, lui picota l’esprit. Aller chez Goussot. l’armurier. Y prendre gîte et couvert deux ou trois jours. Attendre, la nuit, la visite feutrée de Constance. Elle viendrait à moins qu’elle ne fût mariée… Non ! Cela ne se pouvait. Elle était toujours bonne à prendre de quelque façon que ce fût.
    – … un Anglais, Felton, conteste, monseigneur. Il prétend que Guesclin a rompu son otagerie avant le terme échu… On dit qu’il va lui lancer un défi ! Eh bien, qu’il le lui lance ! Est-ce la guerre ? demanda Sacquenville, sans doute à l’instigation de Boucicaut.
    Le prince parut gêné.
    – J’attends. J’ai de quoi déloger Rolleboise et c’est ce qui nous importe. Après la prise de ce châtelet, Jean Jouel s’en est allé, laissant dans les murs des mercenaires goddons et brabançons dont le capitaine est un Bruxellois, Wauter Strael (337) … Il soumet à ses lois tout le pays de Mantes. Je vais faire obstruer cette forte resse du côté de la Seine, par des barques de toute espèce et, du côté de la terre, par des bastides en merrain 105 . Vous vous occuperez, Castelreng, de tous ces préparatifs et il va de soi que je vous fournirai des hommes, puisque vous n’en avez point avec vous !
    Était-ce une méchanceté ? Tristan n’en eut cure.
    – Dès maintenant, monseigneur ?
    – Je puis avoir besoin de vous pour d’autres choses. Je vous dirai quand vous devrez partir.
    C’était du temps perdu. Le prince fit signe à tous les prud’hommes de vouloir bien le laisser seul. Un serviteur apparut, armé d’un carnabot 106 . Mgr Charles lui désigna le luminaire qui gouttait. Une à une, les petites flammes s’éteignirent.
    *
    L’oisiveté de Tristan et de ses deux compères se prolongea jusqu’en octobre. Le premier dudit mois, ils quittèrent Paris, pourvus des documents qui conféraient à Tristan le titre de «  protecteur de la rivière Seine et des bastides de Rolleboise  » et définissaient sa mission. Cent hommes d’armes, dont quatre-vingt » piétons, composaient cette flote 107 trop peu nombreuse pour affronter la petite armée de Jean Jouel, mais le dauphin avait promis des renforts sans préciser en quoi ils consisteraient.
    La tristesse était partout : sur la terre inculte et dans l’immense linceul gris du ciel. Tout semblait sommeil ler frileusement en attendant un hiver dont on pouvait déjà présager la rigueur.
    Un grand vent et une pluie glacée s’accointèrent contre Tristan, ses compagnons et les hommes d’armes lorsqu’ils furent à moins d’une lieue de Poissy. Ils avancèrent sans trop se plaindre, le dos ployé sous les gouttes, oubliant les cités et les hameaux tapis

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