Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
dans les replis d’un pays naguère et présentement martyrisé par les Anglais et leurs complices, cheminant sur des sentiers qui semblaient des casse-cou tout aussi dangereux pour les chevaux que pour les piétons, lesquels chantaient de loin en loin afin de se donner du courage : bientôt ils auraient pour gîte, en un lieu quelconque mais exhaussé, un des trefs que les sommiers portaient sereinement malgré quelques glissades dans les ornières ou la boue.
    Homme de soleil. Tristan supportait mal ce froid précoce et les mouillures sans cesse accrues par les fouettades du vent. Paindorge grommelait. Droit sur sa selle, Tiercelet observait tout ce qui apparaissait devant et sur les flancs, laissant aux hommes d’armes le soin de préserver l’arrière. Il surveillait aussi, docile au bout de sa longe, une mule de trois ans, Carbonelle, qu’il avait gagnée aux dés chez un buvetier de Vincennes.
    Les chevaux paraissaient insensibles aux inconvénients du temps. Malaquin supportait d’autant mieux Tiercelet qu’il remuait à peine. Tachebrun hochait parfois sa grosse tête mais se montrait docile aux humeurs changeantes de Paindorge qui, parfois, galopait en avant pour se mettre à l’aguet dans quelque boqueteau défeuillé. Alcazar jouait du sabot, impatient de fournir une course.
    Ils atteignirent Aubergenville à la nuit. Il fallut dresser les tentes. Paindorge et Tiercelet, après avoir monté celle que Tristan avait reçue à Vincennes, s’occupèrent d’amasser devant elle des branches et des broussailles taillées dans une haie du voisinage.
    –  Nous aurions eu nos aises en quelque maison de cette cité, maugréa Paindorge. Un bon toit et des murs valent mieux que cette toile…
    – Nul ne nous aurait ouvert, dit Tiercelet. Les maisons sont closes. La vue des hommes d’armes répugne à tous ces gens. Et je le conçois. Ils ont eu les Goddons, puis les routiers. Pour eux, nous sommes de la même espèce.
    Le feu prit mal : plus de fumées que de flammes. Les chevaux incommodés tournèrent le dos à l’averse et refusèrent de se mouvoir autrement que pour être mis à l’abri sous la toile. Tiercelet s’éloigna à la recherche d’une grange et la trouva.
    – Viens, Robert. Prends Alcazar et Tachebrun, j’emmène Malaquin et la mule. Nous serons tous au sec. Tu viens aussi ?
    Tristan hésita. Un sergent passa :
    – On peut dire que ça commence bien, messire !… Il y a vingt hommes sans abri…
    Trente ans, petit mais large d’épaules, le visage tel un gros œuf : un crâne ras, guère de sourcils et de nez, une bouche presque sans lèvres. Il portait son épée dans le dos : un bran 108 presque aussi haut que lui. Normand de l’Avranchin, il avait un nom lourd à porter : Bohémond.
    – Je te laisse mon tref jusqu’à demain. Fais-en ce que tu voudras.
    Tristan rejoignit ses compères. Il grelottait. « Pourvu que je ne sois pas malade ! » Non, il serait solide. Pour être craint et respecté.
    La grange était petite et son toit presque intact. On ralluma un feu qu’un peu de paille revigora lorsqu’il menaçait de s’éteindre. Paindorge, accroupi sur le seuil, entama une litanie sur le temps. Tiercelet s’allongea et Tristan s’en alla circuler entre les trefs et les aucubes cependant que la pluie, qui s’était assagie, crépitait dans les flaques et sur les quelques feuillages qui semblaient défier l’automne. Une étrange torpeur s’était répandue. Quelques feux et de nombreux flambeaux assemblaient des hommes autour d’eux. On les sentait s’engourdir en présence de ces flammes courtes et comme frileuses, elles aussi.
    Tristan revint à la grange.
    – Mieux vaut, compères, que nous commencions mal et que nous finissions bien.
    – J’ai appris, dit Paindorge, que certains des hommes qui nous suivent ont guerroyé avec Guesclin.
C’est peut-être, en l’occurrence, une bonne chose.
    – Je sens le froid, dit Tiercelet… J’ai vu, dans la journée, trois grands vols d’oies… C’est un mauvais présage…
    – Je les ai vues, dit Tristan. Il est vrai qu’elles s’y prennent tôt pour guerpir vers le sud…
    – Les arondelles, dit Paindorge sont parties en août… Tout cela sent le froid.
    – Eh bien, dit Tristan, une fois parvenus en vue de Rolleboise, nous prendrons nos dispositions pour nous et pour les chevaux… Tous les chevaux. As-tu une objection, Tiercelet ?
    – Non. Un conseil : il nous faudra dès notre

Weitere Kostenlose Bücher