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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Tristan :
    – Voulez-vous aller trouver de ma part le duc de Normandie ? Oh ! Je sais, Castelreng : le froid peut-être une objection recevable… Mais tout comme vous, j’en ai assez de me geler les… tripes !… Nombreux, nous emporterons cette place d’un seul coup… Il faut que ce soit avant le printemps car si nous tardions, ce n’est pas dans la neige et le verglas que nous patouillerions, mais dans la boue… Alors, voulez-vous informer monseigneur le dauphin et messire Boucicaut de la vie que nous menons céans et des difficultés qui sont nôtres ?
Je le ferai, dit Tristan.
Quand partez-vous ?
    Tristan consulta Paindorge et Tiercelet du regard.
    – Maintenant, répondit-il. Après avoir vidé une écuelle de vin (355) .
    Tandis qu’ils s’employaient à seller leurs chevaux sous les regards attentifs et inquiets de Matthieu-le-Piéton, Tiercelet fournit enfin son opinion :
    Il espère, en nous envoyant à Paris, que nous crèverons tous en chemin afin de ne point parler de sa nullité.
    –  Moi, dit Matthieu, je sais pourquoi il a toujours refusé d’assaillir cette forteresse.
    Paindorge, qui n’avait pu s’empêcher de rire, siffla d’admiration.
    – Ah ! Oui…
    D’un geste, Tristan interrompit l’écuyer.
    – Parle… Il est vrai qu’à aller et venir d’une bastide à l’autre, tu as pu apprendre des choses que nous ignorons.
    – Le cousin de messire Yvain, Pierre de Sacquenville, est un des principaux capitaines du parti navarrais dans le comté d’Évreux… Et Bohémond, cette pourriture, prétend qu’il est dans les murs et que messire Yvain le sait 116 .
    – Voilà, dit Tiercelet, qui nous donne à comprendre… Pour te récompenser, nous monterons l’un après l’autre sur mon cheval… A quoi songes-tu. Tristan ?
    La réponse était aisée :
    – Combattre l’Angleterre, soit… Mais les préten tions de Navarre sont justifiées quand bien même il soit un coquin… Je n’aime pas que des parents s’entretuent pour des causes qui, foncièrement, sont bonnes…
    – Et tu aurais aimé tout autant Luciane si elle avait été du parti navarrais…
    Ce n’était pas une question. Ni d’ailleurs une affirmation.
    – Oui, dit simplement Tristan. Mais si je l’aurais volontiers embrassée, elle, ce n’est pas pour autant que j’aurais embrassé la cause des Navarrais !
    On rit autour de lui. Il ne s’en sentit pas l’envie, bien que l’ulcère de cette méchante séparation eût cessé d’aigrir son sang. Tout comme ses compères, il était soulagé. Ce lent retour vers Paris valait mieux que l’inaction. Valait mieux que l’attente dans les inhospitalières bastides. Valait mieux qu’une espèce de mort lente, le ventre à demi plein, la chair transie. Oui, tout valait mieux. Même les périls du chemin, l’avance dans le jour bleuâtre et l’incertitude des nuits de plomb percées par les hurlements des loups.
    Ils allaient affronter les mystères de l’avent ; un avent en robe d’hermine et de verglas, et la bise glacée les poignarderait en tous sens. Mais Paris et Vincennes valaient présentement mieux que Rolleboise. Et peut-être, après tout, y faisait-il plus chaud.
    – Heureusement, dit-il, que notre oisiveté nous a permis de coudre des houssements de mouton pour nos chevaux. Couvrons-les chaudement, les poils en dessous. Et partons !

V
     
     
     
    Les murailles du Louvre acceptaient la froidure : le gel sévissait dans les vrilles des escaliers, sous les voûtes des corridors, et l’on ne faisait que croiser des gens enfouis dans des pelisses de fourrure à col épais relevé, enchaperonnés bien au-delà des oreilles. Les sergents qui veillaient çà et là tenaient leur guisarme dans leur dextre gantée d’ours, de renard, de lynx et de mouton. Tous battaient la semelle, et les figures de pierre que l’on commençait à disposer çà et là semblaient, elles aussi, dans leur lividité complète, victimes de ce que les clercs, fort occupés à l’enterrement des victimes, appelaient la nouvelle calamité.
    – Monseigneur le Dauphin ?
    – Par là.
    – Monseigneur le Dauphin ?
    – Tout droit.
    Tristan se trouva tout à coup en présence de l’héritier du trône. Il semblait s’être reclus depuis des jours dans une petite pièce enfumée, mais tiède. Assis face à une cheminée qui eût contenu cinq ou six hommes les bras et les jambes tendus vers les flammes hautes et ronflantes, le dauphin,

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