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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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engoncé dans une houppelande doublée de petit-gris, semblait soucieux d’une seule chose : s’imprégner autant que cela fût possible, de la chaleur dégagée par l’âtre dans lequel brûlaient, sur un épais lit de braises, deux troncs de chêne superposés.
    –  Ah ! Castelreng… Quel bon ou mauvais vent ?… Vous connaissez Jean Maillart, je présume…
    S’il le connaissait ! C’était un homme à corpulence de boucher, au regard caliborgne, à la tête grosse et rougeaude de buveur impénitent. On disait qu’il avait été un des plus chauds zélateurs d’Étienne Marcel, et cela, jusqu’au dernier moment de la vie du prévôt des marchands. Le cri opportun de «  Montjoie-Saint-Denis  » alors qu’on appréhendait ses compères, ne lui avait pas sauvé que la vie : il lui avait permis d’accéder aux honneurs. Le dauphin quelquefois lui demandait conseil.
    – Eh bien, messire Jean, dit-il, notre entretien est clos. Il me faut m’informer de ce qui se passe à Rolleboise… Depuis quand, Castelreng, êtes-vous à Paris ?
    – Ce matin, monseigneur.
    La grosse tête et le dos de Maillard s’inclinèrent dans une révérence tellement lourde de respect sinon de bassesse qu’elle se propagea jusqu’aux genoux. Libéré de sa génuflexion par un geste bénisseur, il pivota sans un mot. La porte se referma sur lui. Le dauphin frotta sa lourde main contre le revers de la plus petite, lentement, cependant qu’un sourire tremblait sur sa grosse bouche :
    – Où en sommes-nous, Castelreng ? Cette forteresse assise (356) est-elle à nous désormais ? Est-ce pour me l’annoncer que vous êtes au Louvre ?
    A quoi bon s’embrouiller dans des circonlocutions indignes.
    – Non, monseigneur. Wauter Strael et ses hommes tiennent bon.
    Tristan s’était exprimé d’une façon tellement équivoque – à voix basse, lentement – qu’on eût pu imaginer quelques assauts vains et sanglants. Charles de France dit simplement : « Ah ! » mais cette exclamation ne le satisfit point. Alors qu’un long frisson le parcourait, il tint à formuler sa pensée d’une voix plus « souveraine », épicée d’une sorte de raillerie – mais envers qui ? Ceux de Rolleboise ou lui-même ?
    – Il est vrai que ce maudit temps peut apoltronnir les plus vaillants d’entre nous.
    Ainsi, le fuyard de Poitiers s’intégrait-il sans vergogne parmi les preux et les guerriers confirmés !
    – L’eau gèle. Le vin, la cervoise, le cidre également. Il paraît qu’on assaille les étuves afin de s’y imprégner d’un tantinet de chaleur. On dit aussi que la mer est gelée… Le roi, cependant, est parti pour Boulogne…
    – Il revient à Londres ?
    – Oui, Castelreng. Il n’a guère obtenu de subsides du Pape et je crains que cette bienheureuse croisade ne demeure qu’un grand dessein. Mon frère Anjou est cause de ce départ hâtif. On ne rompt point un serment. Le roi doit négocier l’élargissement de son frère Philippe, duc d’Orléans, de mon mains-né Jean, duc de Berry et de plusieurs ducs et bannerets retenus, depuis Poitiers, dans une otagerie qui lui donne moult inquiétude 117 .
    Un long soupir dégonfla une poitrine étique :
    – Hélas ! Oui, Castelreng, mon père s’en va…
    Ce regret était-il sincère ? Le dauphin n’eût point dit autrement : «  Mon père se meurt. » La grosse main pendit le long de l’accoudoir.
    – Peut-être aurais-je dû envoyer Jean Maillard à Rolleboise…
    Un rire. Inattendu. Était-il de nature positive ou bien le dauphin tournait-il Maillard en dérision ?
    – Je lui aurais adjoint Pépin des Essarts et Jean de Neuville. Ils ont fait merveille à Wincelsée, n’est-ce pas ?
    « Merveille, songea Tristan. Non seulement ils s’y sont conduits comme des routiers en jetant feu et mort sur leur passage, mais ils ont amené le roi Édouard furieux aux portes de Paris. Il s’en est fallu d’un rien qu’il n’usurpe le trône (357)  ! »
    Mais le dauphin, soudain, recouvra son sérieux :
    –  Bertrand Guesclin est indisponible. Il guerroie en Normandie. Il ne ferait qu’une bouchée de Rolleboise.
    « Voire », songea Tristan.
    – Le savez-vous ? Un Anglais, Felton, a lancé un défi à ce Breton qui n’est, je vous l’accorde, qu’une sorte de collibert 118 anobli. Mais j’ai fort bonne opinion de lui… Que vous en semble ?
    – Vous êtes le régent et vous serez le roi.
    C’était une réponse

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