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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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brasiers que des boute-feux y avaient allumés, une torche succédant immédiatement à sa devancière. Il allait il ne savait où sous la conduite de deux hommes dont il n’apercevait que le timbre du bassinet parmi tous ceux des seigneurs de leur armée. Il était contraint de suivre cette foule en guerre. Il se refusait à modifier le train de ses paisibles habitudes, à se dévoyer par sanglante plaisance. L’axe de ses sentiments, lui restait inchangé. Plutôt que de subjuguer une province, il souhaitait conquérir une fée…
    Mais où l’attendait-elle ? Quel était son visage ? La couleur de ses cheveux ? Il évitait de fréquenter les chevaliers aux incartades turbulentes. Ses idées s’étaient séparées des leurs. Il avait même conscience qu’entre leurs conduiseurs et lui, une opposition dangereuse s’élevait. Tiercelet était-il à son côté ? Rien n’était moins sûr. Paindorge ? Matthieu ? Mystère.
    L’inconnue occupait toutes ses pensées. S’étaient-ils aimés ? Allaient-ils renouer la chaîne de leurs amours perdues ?… Pour quoi, soudainement, chevauchaient-ils côte à côte Était-ce lui qui les guidait ou elle ? Vers quoi ?
    Quelle physionomie ? Elle lui apparaissait tout ensemble simple et secrète, naïve même et d’une clairvoyance qui, justement, semblait le don de cette naïveté. Il éprouvait pour elle, au fond de son cœur demi- sec, une infinité de nuances dont, jusqu’à cette chevauchée dans et vers l’inconnu, il avait ignoré l’existence.
    Brusquement, vu l’étroitesse du vallon pierreux dans lequel elle s’était aventurée, l’armée progressait deux hommes par deux hommes et les chevaux devenaient craintifs. Non ! Il n’y aurait point d’embûche. Ils se laissaient entraîner, sa compagne et lui, à travers des mamelons de rocaille. Un vent lourd, parfois, labourait les sombres murailles, et des rochettes en tombaient pour s’abîmer sur le sol, en contrebas, avec des plocs de grosses pierres jetées dans l’eau. La damoiselle, oppressée, baissait son invisible profil.
    –  J’ai peur , disait-elle. Et mon frère aussi.
    Qui était ce frère ? Où était-il… Quoi ? Que disait-elle ?… Elle ajoutait :
    –  Il est jeune… Il ne faut pas qu’on nous prenne.
    Pourquoi ?
    –  Je vous sauverai !… Je l’ai juré.
    L’ost recru et guenilleux alentissait son avancée. Une clairière apparaissait. On dressait les pavillons. Il s’en voyait obtenir un. Celui tout près du sien appartenait… Un prince. Un barbu… Il y avait un coffre ouvert sur le seuil. Dedans, une couronne scintillait sur un monceau de pièces d’or et d’argent.
    –  Prends-la , disait une voix. Prends-la, coiffe-la… Tu vois bien qu’il n’y a personne, sauf elle qui capte les regards de celui que tu hais.
    Qui ? Il prenait la couronne et lentement s’en coiffait. Elle était légère. Elle scintillait. Sa crainte d’être vu se transmutait en une sorte de jubilation capiteuse presque sensuelle, dont il n’avait pas encore éprouvé l’impression.
    –  Comme vous êtes beau ! Comme vous la mériteriez , disait la jouvencelle.
    Elle s’était exprimée vivement, à voix basse. Il ne voyait toujours pas son visage mais il savait qu’elle n’était ni Oriabel ni Aliénor ni Luciane.
    Alors qui ?
    Il se sentit secoué par une main vigoureuse. Quelle folie que d’échapper à ce trouble inexplicable parce qu’une main s’acharnait sur son épaule !
    – Alors, merdaille, tonna une voix profonde, une voix issue des ombres de l’abîme ; une voix terrienne où l’affection le disputait au déplaisir.
    Il ouvrit les yeux sur une autre nuit. Il n’y avait ni couronne ni tente ni damoiselle ni rochers à l’entour. Il y avait Tiercelet dont la ténèbre gigantesque envahissait la chambre.
    – Qu’est-ce que tu as dormi ! dit-il. Il fait nuit et nous allons nous mettre à table.
    Puis, tandis que Tristan bâillait :
Toi, tu as busné (370)  !
Oui.
D’où sors-tu ?
    – Je ne sais… Une terre chaude… une armée… Ce n’était pas mon pays.
C’était peut-être l’Espagne.
Peut-être.
Tu y étais seul ?
Une jouvencelle… Pas une de celles que j’ai connues.
    Tristan se leva et bâilla encore.
    – Elle avait un frère… Elle était menacée… Je la protégeais… Et puis, j’étais mis en présence d’une couronne et m’en ceignais…
Une couronne !
    Les yeux de Tiercelet luisaient dans l’ombre comme deux

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