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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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pièces de monnaie.
    –  Alors, dit-il sans rire, cette couronne, c’était peut-être celle du Trastamare.
    – Ou de sire Charles, cinquième du nom.
    – Cela, dit le brèche-dent, tu le sauras un jour.

VI
     
     
     
    Le royaume de France était pauvre. Éprise de munificence et d’ostentation, la monarchie des Valois l’était aussi. Cependant, si l’humble manant et le culvert des campagnes savaient restreindre leurs besoins selon l’état de leur déconfiture, la royauté, confite dans le culte d’un faste exorbitant, s’obérait avec une allégresse impudente et sans frein.
    Comme il fallait que les obsèques du roi-chevalier fussent grandioses, même s’il avait perdu toutes ses batailles, on emprunta une fois de plus sans vergogne, sans discernement et sans retenue 126 . Les Juifs et les Lombards furent mis à contribution. Ils ne pouvaient qu’ouvrir leurs coffres : leurs réticences ou leurs refus leur eussent ouvert des cercueils. Plus on les méprisait, plus on les sollicitait ; plus on extirpait et violentait leur fortune, plus ils semblaient fortunés.
    Aposté sous une voûte de Saint-Denis et surveillant une foule frileuse d’où pouvait surgir un sicaire d’Édouard III ou du Mauvais, Tristan vit les apprêts de la cérémonie funèbre, puis la venue et la dispersion de la procession (371) . Il lui plut de se dire que l’affliction de tous les endeuillés présents à cet ultime hommage semblait trop vraie pour être sincère : depuis la défaite de Poitiers, le roi Jean était un vaincu aussi dérisoire qu’impardonnable. Qui donc eût-il pu le pleurer ?
    Le surlendemain des obsèques, Tristan se vit congédié. L’ex-dauphin lui avait délégué Sacquenville :
    – Sire Charles m’a signifié qu’à compter de ce mois de mai, je vous remplacerai à son service. Il veut me tenir à l’œil bien que je n’aie plus d’accointance avec mon cousin Pierre, ce traître… Il vous faut revenir à Vincennes et y attendre la prochaine bataille.
    – Quels sont les desseins de notre suzerain ?
    – Frapper un grand coup avant son sacre.
    – Un grand coup de quel poing ? Le gros ou petit ?
    Tristan ne se sentait point dépité. Au contraire, il était délivré d’une servitude honorable dont les rites n’avaient jamais cessé de lui coûter. Il recouvrait ses aises et, afférente à cette liberté, la possibilité de mourir lors de la bataille décidée par le nouveau roi. A vouloir redorer la couronne de France, Charles pouvait la maculer de sang.
    Comme tous les hommes d’armes réunis à Vincennes, Tristan et ses compagnons apprirent, dans les premiers jours de mai, que Jean Jouel, l’ancien maître de Rolleboise, avait pris le titre de duc de Normandie sitôt après que Wauter Strael eut été fait prisonnier, était occupé à réunir sous sa bannière une multitude de malandrins et tous les déserteurs de l’armée d’Angleterre. Ils surent également que le captal de Buch vient de débarquer à Cherbourg. On l’avait cru en Poitou. Peut-être y était-il allé pour accroître ses compagnies. Fils de Jean de Grailly, second du nom, et de Blanche de Foix, cousin germain, par sa mère, de Gaston Phœbus, comte de Foix, Jean III de Grailly (372) , vicomte de Benauge (373) et de Castillon, incarnait la Fleur de la Chevalerie de Gascogne. Les Grailly et les Albret, qui se partageaient la contrée jusqu’aux portes de Bordeaux, se disputaient les faveurs d’Édouard III, maître de la Guyenne, mais c’était aux Grailly que le roi accordait tout à la fois sa confiance et son amitié. Après Poitiers, le captal avait guerroyé en Prusse en compagnie, disait-on des chevaliers teutoniques. Il en était revenu entouré d’une renommée qui sans doute avait consterné le feu roi Jean II, captif à Londres. C’était aussi un chasseur. En cela, il faisait beaucoup d’ombre à Phœbus. Il ne devait aucun impôt à Édouard de Woodstock : le prince de Galles l’en exemptait pourvu qu’il lui fournît des faucons et des veautres – particulièrement des lévriers. On rapportait aussi que Grailly était le seul feudataire de Guyenne à se sentir à l’aise parmi les capitaines anglais. Tandis que certains barons de Saintonge et de Gascogne avaient abandonné le parti des Goddons pour se rallier à la France les seigneurs de Pommiers, de Mussidan et de la Trau (374) , c’était vers le captal de Buch que le fils d’Édouard III, régent l’Aquitaine,

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