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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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perdue.
    L’on vit alors cette chose incroyable : Charles, fils du roi-chevalier, galoper au-devant d’un Barbare en agitant sa grosse main gantée de noir :
    – Bertrand, me voilà roi à partir de ce jour !
    Le Breton, incrédule, arrêta son cheval. Il le fit agenouiller sur ses antérieurs tandis qu’un murmure s’élevait chez les Bretons et les Français unis dans une même admiration.
    – Sire, l’on vous remire !
    La génuflexion, le cheval l’avait faite. Pas lui, Bertrand. Il n’appartenait point à ces encharbottés qui s’inclinaient devant des malades. Mais il était heureux – ô combien ! Cette royauté toute neuve et ce roi follement entiché de sa personne allaient lui frayer la voie. Jusqu’où ? Jusques à quand ? Déjà, le sourcil oblique et la bouche pincée, il se posait ces questions.
    *
    Sans attendre d’être revenu à Paris, le nouveau roi tint à manifester sa suzeraineté. Le 17 avril, au Goulet, pour gratifier son ardeur dans la tuerie de Mantes, Charles V offrit à un écuyer, Jean le Bouteiller, une portion des biens de Jacques Pestrel, satellite du roi de Navarre.
    Ensuite, il décida de revenir au Louvre par Pontoise. Là, il retrouva Guesclin toujours en quête de quelque querelle ou rapine.
    – Bertrand, vous serez…
    –  Quoi, sire ?
    –  A partir de ce jour vous êtes chambellan !
    – Bah ! Sire Charles… Mes hommes et mon cheval vont s’ébaudir !
    – C’est un titre envié, mon bon ami !… Vous en obtiendrez d’autres si vous aplatissez l’engeance navarraise et boutez les Anglais au-delà de la mer !
    On fit halte à Pontoise. La plupart des contrevents restèrent clos, bien que des sergents eussent fait office de hérauts pour publier l’avènement d’un nouveau roi. Si des femmes et des enfants apparurent çà et là sur les seuils, aucun manant ne se montra. Il semblait que les Pontoisiens eussent éventé de loin la venue des Bretons ou que leur funèbre réputation les eût précédés de quelques jours.
    Deux compagnons de Guesclin, Even Charruel et Hervé de Just sollicitèrent et obtinrent la grâce d’un Navarrais, Guillaume Bérout l’aîné, chez lequel ils avaient logé à Mantes. D’autres donations furent faites car le nouveau suzerain s’enivrait de son titre. Le 22, il récompensa un Breton, Olivier de Porcien, en lui faisant don de tout l’avoir d’un Navarrais, le seigneur de la Rochelle.
    – Qu’a donc fait ce Porcien à la peau de porcelet ? demanda Tristan à Jean Le Meingre.
    – Il a participé à la décapitation des bourgeois de Mantes.
    Le 23, ce fut le tour de Lyon du Val, un malandrin des plus vils, ancien routier renommé, criminel notoire mais qui s’était réhabilité dans la prise de Mantes en ajoutant quelques dizaines de meurtres à ceux commis par les Bretons. Lucas de Maillechat, écuyer, fut loué et gratifié pour les mêmes raisons.
    La nouvelle royauté semblait plus encline à honorer le mal qu’à louer le plus humble bienfait. La bénignité de sire Charles puait la mort.
    Guesclin, toujours présent et toujours empressé, reçut, le 24, les biens d’un certain nombre de bourgeois de Mantes que sans doute il avait occis.
    On revint à Paris lentement. Du seuil de chaque village à sa sortie, les sergents derechef se muaient en hérauts :
    –  Voyez le nouveau roi Charles le Cinquième ! Voyez, bonne gent, votre suzerain !
    Quand le Louvre apparut, on se mit au galop. Il était temps : le cercueil de Jean II venait d’y arriver.
    « Ouf ! soupira Tristan. Pourvu désormais qu’on m’oublie. »
    *
    Il retrouva joyeusement ses compères tandis que La Main d’argent lui paraissait plus accueillante encore que lors de son installation.
    – Je suis hodé dit-il en portant, un gobelet de cervoise à la main, la santé à Tiercelet, Paindorge et Matthieu.
    – Va te coucher, lui conseilla le brèche-dent.
    A peine dévêtu, il sentit le sommeil le prendre.
    Il faisait bon dans sa chambre. Le silence y était parfait. A peine entendait-il, sous les lames disjointes du plancher, quelques tintements d’objets de cuisine.
    Lentement, il s’enfonça dans un pays de grand soleil et d’ombres émaillées de flammes inextinguibles qui n’était pas la Langue d’Oc. Autant il avait souffert du froid lors du funèbre hiver passé à Rolleboise, autant il endurait mal la chaleur de cette contrée sans nom. Il avait traversé des villes mortes, des villages bourdonnant des

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