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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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l’œil pétillant d’une sorte de malice :
    – Mais je déjouerai toutes les embûches dont Grailly veut parsemer mon chemin !… Et pour que nous mettions fin aux manœuvres de l’engeance anglaise, navarraise, gasconne, j’ai besoin de vous, Castelreng. Mon père vous faisait confiance… Cette confiance, je la double.
    Tristan, perplexe, estima que son nouveau suzerain exagérait. Il semblait d’ailleurs que ce roi en herbe regrettait de s’être montré insuffisamment éloquent devant un vassal auquel – le doute n’était plus permis vu la chaleur du compliment –, il allait assigner une mission certainement meurtrière.
    –  Je vais vous envoyer dans la gueule du loup.
    Que dire ? Rien. Il fallait se résigner en attendant d’apprendre le nom du loup et où se trouvait son gîte.
    –  Je viens d’apprendre que le captal de Buch est à Vernon… ou qu’il va y séjourner… Je sais que, malgré leurs promesses, les reines Blanche et Jeanne souhaitent ardemment le triomphe de leur nieps 127 bien-aimé. Ce sont… des…
    Le mot resta sur les lèvres du nouveau roi. Il ajouta en levant assez haut son gros poing :
    – En recevant Jean de Grailly et certainement quelques-uns de ses capitaines, elles manifestent leurs sentiments…
    Charles se redressa comme pour vouloir incarner le courage, la lucidité, la fermeté dans la vigueur, la volonté dans le ressentiment. Il tenait à incarner une sorte d’antidote humain contre le poison que Navarre et les siens instillaient dans la France. Cependant, au-delà de cette attitude énergique, Tristan le sentit éperdument impatient d’éprouver sur la tête le poids d’une couronne qui la ferait pencher.
    – Il me faut savoir tout ce que l’on dira.
    Tristan ne put que s’incliner. Il avait compris. Il imagina les contrées qu’il avait déjà traversées par un froid terrifiant, inondées d’une blancheur tenace. Le dégel les avait sûrement embourbées. Il songea non sans trouble aux précautions qu’il allait devoir prendre, à ces excès d’audace qu’il ne pourrait contraindre, à ces moments d’incertitude et de vérité où se mêleraient en lui les plus hautes doses de frayeur et d’émoi… Pour quoi ? Mourir sans doute. Pour qui ? Pour complaire à ce roi avide d’être sacré ; ce sacré roi malade de peur à l’idée de tomber dans une embûche sur le chemin de Reims et qui ne voyait qu’un sauveur à la France : Guesclin. Pourquoi ne l’avait-il pas mandé ?
    – Je vous confie, c’est vrai, une œuvre difficile… Je ne puis assaillir le château de Vernon… Ce serait incivil.
    Quel mot ! Ressortissait-il au langage royal ?
    – Je veux savoir et par vous… Oh ! Je sais : il sera malaisé que vous y entriez… L’on vous donnera quelques livrées pour vous et vos compagnons qui vous feront passer le seuil…
    Le roi s’exprimait vélocement. Soudain debout, il se mit à marcher d’un pas pesant autour de sa chaire, reprenant son souffle lorsqu’il disparaissait derrière le haut dossier, cherchant visiblement à échapper aux craintes qui dissolvaient le peu de forces qu’il possédait. «  Reims  », disait-il parfois en se frottant les reins comme s’il revenait d’une épuisante chevauchée.
    – Que le captal couche et mange à Vernon est inadmissible !
    Et, sitôt déglutie une salive amère :
    – Cet homme est détestable. On le dit paillard, ce qui ne saurait messeoir à cette…
    Il y eut un silence. Plutôt que de se sentir fier d’être admis dans l’intimité et les confidences du nouveau roi, Tristan considérait qu’il s’ennuyait plus que naguère, lorsqu’il avait affaire au même homme promis à un incalculable avènement. L’allusion interrompue s’adressait-elle à la reine Blanche ? Sans doute. Elle incarnait pour lui, ce peine-à-jouir blafard, la volupté triomphante, la royale indécence et la salacité. Pour elle, coucher n’était pas un devoir mais un plaisir. Oui, l’égrotant Charles songeait à Blanche d’Évreux, dite Belle Sagesse par antiphrase et dont la lubricité n’était un secret pour personne. Elle n’avait que dix-sept printemps lorsqu’elle avait épousé le roi de France lesté, lui, de cinquante-sept automnes. Il l’avait tellement chevauchée qu’un an après ces randons amoureux, il était descendu d’une alcôve brûlante à un caveau glacé de Saint-Denis.
    –  Rapportez-moi tous les faits… Je veux connaître les intentions

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