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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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allait se passer 123 .
    « Rien n’est pire, songea-t-il, que la fureur d’un malade ! »
    *
    Le soir tombait quand Boucicaut réapparut. Seul :
    –  Il va sévir… Vingt hommes… Châtiments inutiles… Trop, c’est trop… Les victoires de Guesclin furent abominables… Mantes, Meulan, Vetheuil… Ces Bretons sont immondes… Guesclin conçoit la guerre comme un Tard-Venu. Il ne jouit point de gagner des batailles mais de ce qu’elles lui apportent ensuite. Des gens m’ont parlé furtivement… Ils ont vu des femmes qui suppliaient avoir leurs mains tranchées avant même que leurs maris fussent décollés. Ils ont vu des enfançons morts cloués dans leur lit… Des vieillards égorgés… Et ces énormités provoquaient de gros rires.
    – Cessez, messire : j’ai vu Guesclin à l’ouvrage…
    – Cela m’aurait fait moins mal, voyez-vous, si ces gens n’avaient pas accueilli nos chevaliers et nos écuyers courtoisement.
    – Nos bourreaux, voulez-vous dire. Leur exemple est Guesclin.
    Le vieux maréchal se pencha et à voix basse :
    – Charles jouit autant d’avoir ce culvert à sa dévotion que s’il s’agissait d’une belle dame… Bon sang, Dieu me pardonne : il ne va pas avoir pour Guesclin la passion que son père eût pour Charles d’Espagne !
On dit : tel père tel fils.
    Guesclin a tout d’un sorgueur 124 . Hélas ! nous devons nous en accommoder !
    Et Boucicaut soudain, haussa le ton :
Où allons-nous, monseigneur ?
    Le dauphin ne se retourna pas, mais sa voix retentit, imprégnée de colère :
Au Goulet.
    Ce château était situé au milieu du cours de la Seine, dans l’Ile aux Bœufs 125 proche de Notre-Dame-de-l’lsle, en face du hameau du même nom. Autrefois. Philippe-Auguste avait fait démanteler cette forteresse construite quatre ans auparavant par Richard Cœur de Lion. Charles de Normandie en avait fait réemployer les pierres pour ériger un asile destiné à son épouse, la pieuse Jeanne de Bourbon : elle s’y trouvait à proximité des sanctuaires vénérés des Andelys et de Notre-Dame de Montfort ainsi que dans le voisinage des reines Blanche et Jeanne.
    –  Soit, dit Boucicaut. Rendons-nous au Goulet.
    Il ne devait guère aimer cet endroit. Penché derechef, mais souriant cette fois, il admira Alcazar :
    – Blanc comme neige et point frileux… On vous l’envie, savez-vous ?
    Tristan caressa l’encolure de son coursier :
    – Qui le voudrait devrait dégainer son épée. Je me sentirais, pour lui, aussi vaillant et bataillard que pour une gentilfame !
    Boucicaut se détourna :
    – Venez près de nous, Yvain !… Bon sang, que craignez-vous ? Qu’on vous prenne pour un espie parce que votre cousin sert Navarre ?… Vous savez bien que nous vous faisons confiance.
    Sacquenville s’approcha, le visage glacé. Il avait houssé son destrier afin qu’il eût moins froid. Ainsi, lui dans un jaseran de mailles sur lequel il avait passé un paletoc en peau d’ours, et son cheval couvert d’un houssement de velours grenat, il semblait qu’ils allassent jouter chez les païens.
    – Saleté que Rolleboise, Castelreng.
    – Il fallait les assaillir et ne point laisser cette gloire au Breton.
    –  Mais il n’a rien pris !… Il n’a pas osé malgré ses bombardes. Il a préféré saigner et dévaster Mantes et Meulan sachant bien qu’il n’y avait aucun guerrier digne de ce nom dans ces villes.
    – Hé oui, dit Boucicaut… Mais qu’est-ce donc ?
    Derrière eux, un hurlement se renouvelait :
Monseigneur ! Monseigneur !… Attendez, je vous prie !
    C’était Paindorge. Il montait Tachebrun. Il semblait qu’il ne l’eût pas ménagé, ce qui rendit Tristan furieux.
Monseigneur !
    – Qu’est-ce donc ? demanda le dauphin, courroucé d’être dérangé dans ses pensées.
    Il ne se détournait pas. Il éleva sa grosse main à hauteur de ses épaules et la branla comme un battant de cloche :
    – Je déteste qu’on m’interpelle de la sorte. Il faudra châtier ce malappris !
    – C’est mon écuyer, monseigneur, dit Tristan, et je ne sache pas qu’il soit impertinent. S’il galope depuis le Louvre, c’est par ma foi qu’il a une bonne raison.
    – Il arrive à franc-étrier, en effet, dit Boucicaut. Son cheval a le spume !
    Paindorge enfin fut là et ne prit pas de gants :
    – Monseigneur, le roi Jean est mort (367)  !
    Les compagnons du prince se taisaient. Ils avaient arrêté leurs chevaux.

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