La couronne et la tiare
Blois, les seigneurs de Rohan, de Léon, de Retz, de Malestroit, de Châtillon, de Rieux, de Rochefort et de Beaumanoir. Jean de Montfort exigea que Bertrand Guesclin fût du nombre, dans l’idée qu’en son absence, Charles de Blois n’oserait jamais enfreindre les clauses du traité. Chacun exprima son sentiment et Bertrand fournit le sien.
– Monseigneur Charles, dit-il je suis fort aise que vous ayez la paix, mais vous la payez cher : en refusant le combat, vous avez manqué une belle occasion de vous faire seul duc de Bretagne. Quant à moi, j’accepte d’être un mois l’otage de nos ennemis.
Il fut remis à Robert Knolles qui le traita avec tous les égards et lui permit, dans sa maison et son camp, de jouir d’une liberté complète.
Un mois s’écoula et Bertrand regagna Vitré, accompagné, dit-on, d’un écuyer de Knolles. Tout semblait pour le mieux au duché de Bretagne.
Or, Bertrand s’était fait un ennemi : un Anglais, Guillaume de Felton, sénéchal du Poitou pour le roi Édouard III. Felton égalait Guesclin en jactance et en courage. Ayant appris la « retraite » d’un rival contre lequel il s’était déjà battu, il prétendit qu’il avait manqué à sa parole et qu’il eût dû demeurer près de Knolles jusqu’à ce que la cité de Nantes eût été délivrée au comte de Montfort. Le 13 novembre 1363, il l’accusa, par lettre, d’avoir rompu, par une évasion, son otagerie, et qu’en cas qu’il nierait le fait, il le soutiendrait par son corps en présence du roi de France. Le 19 décembre, Bertrand répondit qu’il comparaîtrait devant le roi ou le duc de Normandie le mardi avant la mi-carême et nia qu’il se fût engagé à servir d’otage plus d’un mois. Il promit de prouver par son corps tout ce qu’il avançait, comme tout chevalier devait le faire en pareil cas.
Les deux hommes comparurent et plaidèrent devant le dauphin, en présence du roi de Chypre et de tous les clercs et nobles hommes de la Cour. Les juges déclarèrent que le gage de duel ou la guerre ne tombait point sur une affaire de cette nature. Le motif de l’arrêt fut la loi qui ne permettait les duels qu’au défaut de preuves testimoniales. Or, à Evran, Bertrand s’était exprimé en présence de nombreux témoins : 200 chevaliers et écuyers.
L’affaire en resta là. On ignore si Felton, traitant de la Chevalerie et de ses devoirs, informa son auditoire que peu avant ce plaid, Bertrand avait fait coudre dans un sac et jeter en rivière deux femmes qui avaient eu le tort de « collaborer » avec les Anglais.
Il est évident qu’en raison de ce procès, Bertrand ne pouvait être en décembre à Rolleboise. Libéré de Felton, il se rendit à Guingamp et guerroya à sa façon. L’on commençait pourtant à le déifier. On raconte que certaines femmes se prosternaient sur son passage. « Homme de Dieu, s’écriaient-elles, aidez-nous ! Secourez-nous ! » Il marcha sur Pestivien, qu’il soumit, sur Trogost, qui capitula, et ce fut alors que le dauphin le manda auprès de lui pour qu’il conquît Rolleboise.
Avant d’obtempérer aux ordres de monseigneur Charles, le Breton et son cousin, Olivier de Mauny, lui réclamèrent sans précautions oratoires le remboursement des frais engagés lors de leurs précédentes campagnes et, certainement, des arrhes pour la suivante. Or, le Trésor était vide. Il fallut emprunter aux Juifs et aux Lombards. Charles, méfiant, par un acte daté de Paris, le 13 mars 1364, manda au bailli et au vicomte de Caen ainsi qu’au vicomte de Bayeux, de faire une enquête sur les frais supportés par Olivier de Mauny afin qu’on le remboursât « si tost et si prestement qu’il (n’eût) cause d’en retourner plaintif par de vers nous ». Or, Olivier de Mauny avait déjà touché une grosse indemnité pour sa campagne bretonne. On imagine ce que Bertrand put demander et reçut.
Le 25 mars, le lendemain de Pâques. Bertrand mit le siège devant Rolleboise. Des historiens ont prétendu qu’il avait enlevé vivement la place. C’est fausseté.
Voyant les guerriers du Breton se joindre aux quelques assiégeants qui se trouvaient là. Wauter Strael fit aussitôt une sortie et intercepta le convoi de vivres destiné à Bertrand.
Le 4 avril, le duc de Normandie manda à Jean de Lyons, son maître artilleur, d’expédier certains engins et quantité de traits à Bertrand. Lorsque ces engins arrivèrent, Bertrand, le comte d’Auxerre,
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