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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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aux orties. Afin d’obtenir quoi ?… Le savez-vous ?…
    –  Non, monseigneur.
    –  Afin, Castelreng, d’obtenir de quoi avoir le droit de demeurer en France.
    Tristan n’osa dire un mot ni faire un mouvement.
    – Or, vous le savez bien : il est en grand état de détestation.
    Et derechef la grosse bouche eut une sorte de pli indulgent.
    – Il est mon père et je crains pour lui quelque embûche sur le chemin que vous emprunterez… Sa capture par des routiers grossirait, en quelque sorte, cette rançon qui pèse de son poids terrible sur le royaume… Ah ! Que ne suis-je un manant…
    Tristan s’émut sous ce regard tout à coup presque noir où palpitaient de fugaces éclairs. Il s’étonna que ce jeune homme laid, pauvre mais protégé et promis au trône de France, eût à se plaindre de sa destinée. Or, Charles réprouvait déjà ce soupir de petitesse ou d’impuissance ; il en rougissait même tandis que sa grosse main blême et demi-morte qu’il avait jusque-là dissimulée sous la table – s’agitait à deux reprises et, comme fourbue, retombait sur le genou de son propriétaire.
    – Veillez sur lui… Il va manger plus qu’il ne le faudrait et boire plus encore… II y aura… des femmes… Peut-être d’autres créatures… Il peut y avoir, dans l’ombre, des dagues et des haussarts… Je n’ai point confiance en tous ceux qui l’entoureront, sauf en Arnoul d’Audrehem.
    Messire Charles manquait de discernement. Et sans doute n’avait-il pas plus soif de compassion que de sermons sur la vie et la mort.
    – Avignon est un lupanar. Nous savons tous cela, sauf Sa Sainteté. Veillez sur le roi. Agissez au besoin…
    Tristan sursauta :
    – Mais, monseigneur, je n’ai point qualité pour intervenir. Le roi pourrait se courroucer d’une présence trop rapprochée… Alors, si j’émets une réprobation, même en disant que c’est en conformité avec vos désirs…
    Il s’empêtrait. Ses phrases perdaient toute valeur. Il n’en appréciait ni le fond ni la forme.
    – Faites au mieux, Castelreng ! Vous n’êtes point de ceux qui doutent et atermoient…
    Tristan regardait son interlocuteur bien en face. Adossé à sa haute chaire, il semblait jouer avec sa cuiller qu’il frottait contre le nuage doré de son écuelle. L’ombre d’un sourire lui amincissait parfois la bouche. Elle s’élargit ; des dents petites, crayeuses, apparurent :
    – Mon père n’est plus très… royal. Serais-je avec vous qu’il sentirait sur ses épaules une pesanteur légère… car il faut savoir être indulgent…
    La phrase demeura en suspens mais un gros rire retentit. Tristan fut désolé par l’espèce de trivialité que cet ébaudissement dégageait, accompagné d’un geste bref de la pote 30 dextre molle et percluse dont il se fût, lui, séparé d’un coup de hache : mieux valait un moignon que cette pieuvre hideuse.
    – Je vais également vous fournir la seconde raison de ce reze et ce sur quoi vous me devrez informer… s’il la voit, ce qui m’étonnerait.
    Il y eut un silence lors duquel le dauphin regarda autour de lui comme s’il cherchait la responsable d’un inaltérable souci.
    – Qui, monseigneur ? se permit Tristan.
    Le front penché, en se plissant, ne laissa présager rien d’agréable. Du cuilleron où subsistait un soupçon de nourriture, le prince tapota le fond de l’écuelle.
    – Le roi aurait l’intention d’épouser Jeanne de Naples.
    – La comtesse de Provence (218)  !
    La tête branla sur le cou pâle, maigre et ridé. La cuiller tomba sur un morceau de pain.
    – Hélas ! Hélas !
    La grosse main monta et descendit au-dessus de la table avant de passer sous le plateau, cependant que Tristan, perplexe, se demandait ce que le dauphin de France éprouvait. Du courroux ? Du mépris ? De l’aversion pour son père ou pour une femme dont la réputation était certes des plus détestables. Une gaupe couronnée, disait-on. Une enchanteresse à laquelle on imputait maints trépas dont celui de son premier mari, André de Hongrie. Son inconduite avait scandalisé le Pape. Au milieu de la dépravation d’Avignon où elle séjournait parfois, elle étincelait, disait-on, d’une incorruptible beauté, d’où, évidemment, de ténébreuses aventures.
    – Avez-vous été informé, Castelreng, de ce dessein de mariage ?
    – Jamais, monseigneur, d’où mon ébahissement.
    – Il parait pourtant qu’on en fait des gorges

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