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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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homme solide, pondéré, au visage austère sous un grand front que le camail dissimulait jusqu’aux yeux. Si Paindorge ne laissait pas de devenir indispensable, il savait être absent, discret, silencieux. Or, ce jour d’hui, sa sincérité prévalait sur ses silences.
    – Oui. A cause d’elle. Une nuit, elle est entrée dans ma chambre.
    Tristan sut contenir son ébahissement tandis que son compagnon, les sourcils froncés sous ses mailles afin de mieux l’observer, attendait qu’il lut confirmât ce dont il se doutait.
    – Je devine, Robert, ce qu’exigea de toi la damoiselle au clair potron.
    Un ultime soupçon d’incrédulité poussa Paindorge en avant de sa selle :
    – Est-elle venue vous visiter aussi ?
    – En douterais-tu après avoir vu de quelles œillades elle m’assaillait ?
    Aucun émoi ne troubla l’équilibre des traits de l’écuyer. S’il pouvait à bon droit s’étonner de cette double et différente visite – la même nuit, peut-être –, il ne garderait point de celle qui le concernait un souvenir impérissable.
    – Oui, Robert, elle est venue. J’ai fait à sa demande ce que tu as fait tandis qu’elle admirait le ciel et les étoiles.
    Ils rirent. Ils s’étaient comme désenvoûtés.
    – Allons, décida Tristan, je vais galoper au Louvre. J’y verrai le régent. Je prendrai ses mandements. En attendant mon retour, occupe-toi des chevaux, des oreilles aux fers… Descends et passe-moi Malaquin. Alcazar, où je vais, ferait trop d’envieux.
    *
    Il retrouva l’enceinte du palais royal et les maçons, les charpentiers et les brouetteurs aussi vaillants que ceux de Vincennes. Il réentendit, mêlés aux chants et aux bruits des voix, les grincements des poulies et des essieux de chariots. Du haut de Malaquin, il avait conscience d’une supériorité spécieuse sur ce menu peuple laborieux au point d’en éprouver de la gêne alors que la plupart des prud’hommes et des bourgeois ayant quelque affaire à traiter en ces lieux se délectaient d’y être vus sans deviner le mépris plus ou moins avéré qui ravalait leur personne. L’ostentation de certains seigneurs venus là moins pour quelque raison d’État que pour se distinguer de leurs pairs plus modérés dans l’allure et la frisqueté (216) restait stérile. Ils étaient comme tous, comme lui, Castelreng, des vaincus. Vaincus par les Goddons ou les routiers, vaincus jusqu’au tréfonds de leur âme.
    Les rênes lâches, il pénétra dans la cour toujours peu encombrée, mais bruyante, colorée. Il mit pied à terre. Tenant Malaquin au frein, il avança vers une demi-douzaine de varletons (217) préposés à la garde des montures. Il confia son cheval à un jouvenceau roux, joufflu, affable puis, rajustant sa ceinture d’armes inclinée par la lourdeur de la Floberge, il avança vers la Grosse-Tour.
    Si peu nombreuses que fussent les femmes, et comme il s’y attendait, il retint leur attention. Il savait qu’elles ne se refusaient rien et ne se refusaient guère. Il fut indifférent à leurs regards, à leurs rires où, sous la moquerie, palpitait la convoitise. Lorsqu’il était arrivé pour la première fois à Paris, il y avait trouvé les mœurs différentes de celles de la Langue d’Oc où l’existence était molle, certes dissipée, mais empreinte d’une gaieté qui faisait des amours légitimes ou non une espèce de jeu sans gravité ni sombres conséquences. Ici tout semblait faux, frelaté, éphémère. Les prud’hommes qu’il avait croisés ou croisait maintenant appréciaient surtout, chez la femme, les agréments extérieurs et les satisfactions qu’ils en pouvaient tirer peu ou prou sans d’ailleurs qu’elles parussent contrariées d’être traitées comme des follieuses d’une essence supérieure. D’où leur effronterie, leur complaisance et l’audace de certaines qui, dans les coins ombreux, se laissaient outrément tâtonner. Lors de la captivité du roi, les usages s’étaient assagis pour renaître dès son retour – comme il paraissait de mise à la fin d’un grand deuil. La promptitude des liaisons nées au hasard d’une œillade ou d’un festin ne cessait d’étonner Tristan, et ni le roi ni le dauphin ne semblaient avoir connaissance de débordements qui ne concernaient en rien la Seine toute proche.
    Et lui, Castelreng, dans tout cela ? Il regardait sans émoi, sans réprobation. Constance l’avait si radicalement purgé que ces gentilfames lui semblaient

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