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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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absence ?
    – Pas trop parce qu’ils gloutonnent et se saoulent à qui mieux mieux, mais Boucicaut, qui est sobre, m’a demandé ce que vous deveniez… Il a cligné de l’œil, songeant sans doute à une affaire de cœur. Je l’ai dissuadé de nourrir cette idée… Je lui ai dit que vous étiez malade.
    – Tu as bien fait. De quoi suis-je censé souffrir ?
    –  D’indigestion.
    Tristan soupira un grand coup, s’étira et bâilla.
    – Eh bien, préparons-nous… Point d’armure. On parlera de guerre, sans doute, sans la faire, et l’on se verra victorieux sans l’être !
    *
    Arnoul d’Audrehem arriva dans la soirée. Bien qu’on fût encore entre chien et loup, il était précédé de quatre porteurs de torches et suivi d’autant. Derrière, masse confuse, crépitante, aux reflets d’acier, on eût pu nombrer trente hommes à cheval.
    Après un dîner pris en compagnie des hobereaux de la suite royale – au cours duquel il n’avait été question que des routiers et des moyens de les soumettre –, Tristan et Paindorge avaient erré dans Avignon sans que Tiercelet s’y montrât. Sans doute avait-il quitté la cité. Pourquoi, en l’occurrence, y était-il venu ?
    Cette question s’effaça de l’esprit de Tristan lorsqu’il vit paraître les luminiers du maréchal de France. Il se trouvait alors avec son écuyer aux abords de l’église Saint-Didier, cherchant sans en trouver une taverne agréable. Ils s’adossèrent à l’un des piliers du parvis au moment où messire Audrehem décidait, en immobilisant son cheval :
    – Compagnons, n’allons pas plus avant. On dit les vêpres en ce saint lieu et nous nous devons de suivre l’office.
    – Pourquoi ? demanda un homme, assez éloigné pour ne pas être reconnu. Nous sommes las, nous avons faim… nous sommes sales…
    –  Nous ne pouvons rencontrer le roi et le Pape sans nous nettoyer l’âme.
    On rit. Audrehem en parut amplement satisfait, il dégagea promptement ses pieds des étriers, sauta sur le sol et se frotta les reins en regardant à l’intérieur de l’église par l’entrebâillement du portail.
    Entrons tous. Nous y contiendrons !… Je parle évidemment de tous les capitaines et de leurs écuyers… Que les autres veillent sur les chevaux. Et surtout que les torches ne cessent de brûler.
    Il y eut des piétinements. La plupart des chevaux trépignèrent. La rue ensommeillée s’anima et quelques têtes apparurent aux fenêtres. La lueur de trois ou quatre lanternes révéla, immobiles et attentifs, Tristan et Paindorge.
    – Holà, vous deux !… Occupez-vous de mon cheval et de celui de mon neveu (246)  !
    Tristan fil un pas et, les mains réunies sur la bouche de sa ceinture d’armes :
    – Est-ce à nous, messire, que vous vous adressez ?
    – A qui d’autre ?… Sauf nous et vous, la rue est vide !
    – Messire, permettez : vous disposez d’une suffisance d’hommes dans laquelle vous pouvez vous choisir des varlets. Nous allions à la messe, nous y assisterons.
    – Qui es-tu pour me refuser ton aide ? Sais-tu qui…
    – Qui vous êtes ?… Je vous connais, messire, depuis Poitiers… J’étais près de messire Jean de Clermont quand vous l’avez accusé de couardise. J’étais présent quand il fut percé de traits… Je me sens bon à tenir une épée mais nullement la bride d’un cheval, si ce n’est le mien !
    –  Effronté ! Tu te dois d’obéir si tu sais qui je suis (247)  !
    – Je n’obéis qu’au roi et à son ainsné fils et suis en Avignon à leur demande !
    – Je suis leur truchement !
    – Et moi leur serviteur. Dites à vos falotiers (248) de reculer. Et aux autres !
    Les hommes se mirent à gronder. « Ah ! La meute montre les crocs. Mais ce ne sont, en fait, que des chiens de maison. » Paindorge ne disait mot, réprouvant peut-être cet esclandre.
    Soudain, le rire d’Audrehem retentit.
    – C’est vrai, compère, ton visage ne m’est pas inconnu. Tu étais à Poitiers près de Bourbon, si ma mémoire est bonne…
    – Et près du roi messire, jusqu’à la fin !
    C’était décocher dans le cœur d’un falourdeur (249) une flèche empoisonnée, mais il était trop engoncé dans son orgueil pour qu’il en sentît l’atteinte.
    Audrehem passa, soudain silencieux, suivi du tiers de ses hommes. Cliquetis d’armes, frappements de semelles. Ceux qui portaient un bassinet l’enlevèrent dès que le maréchal eut ôté le sien ;

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