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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Oriabel. Bien qu’elle fût morte, il prierait Boucicaut de faire annuler par le Saint-Père son mariage avec Mathilde de Montaigny.
    Enfin, il était rendu : les deux tours d’entrée le dominaient. L’immense bouche d’ombre qui communiquait avec la cité allait l’absorber. Bientôt ce serait…
    Derrière, le cri du hibou et des pas vifs.
    – Tudieu ! murmura-t-il.
    Trois hommes lui bouchaient le passage. Une lame brillait à leur poing.
    – Holà !… Est-ce pour moi cet accueil ?… Je n’ai rien fait qui mérite votre ire !… Laissez-moi passer, je vous prie.
    Ils demeuraient cois, menaçants. Comment avait-il pu oublier son épée !
    Par quelle nigauderie avait-il renoncé à la présence de Paindorge ?
    Des pas derrière. Assurément, les deux hommes dont il s’était défié un moment étaient accointés aux trois autres, et c’était l’un d’eux qui avait imité le cri de la chouette.
    – Que me voulez-vous ?
    Un homme, devant, passa sa lame sur sa paume et de son pouce en éprouva le tranchant :
    – Messire Castelreng…
    – De qui tiens-tu mon nom ?
    –  Qu’importe ! On vous a montré à moi d’un joli doigt, ce matin, et demandé de vous saigner.
    – Qui ?
    – Nous ne sommes pas là pour paroler.
    Tristan résista à la sourde répulsion qui lui enjoignait de reculer, car c’eût été devenir la proie des deux sicaires, dans son dos.
    Cinq, c’était beaucoup. C’était trop sans sa Floberge.
    Il ne sut d’où vint l’agression. D’instinct, il avait cru bon de se jeter de côté. Il sentit contre sa joue le vent d’une main armée. Son regard, son cœur, ses poumons s’affolèrent. Un homme poussa un hurlement et tomba, comme mort, sur les pavés gras. Un autre emplit à son tour la voûte de son cri et de ses gargouillements.
    « On m’aide ! »
    Alors qu’il évitait de justesse une coutelade à la gorge, une lame entama l’épaule de Tristan et celui qui l’aidait se montra, tout proche, superbement grand et fort dans l’espèce de clarté qui fumait au-delà de l’entrée. Les malandrins déguerpirent.
    – Tiercelet !
    – J’étais des leurs… Non ! Non !… Ne va pas imaginer que j’aie récidivé avec la truanderie. Quand j’ai su qu’on voulait t’occire, j’ai demandé qu’on m’accueille dans le complot… pour t’aider une fois de plus !
    Le cœur de Tristan s’affolait toujours. Double émoi que cette embûche et ces retrouvailles.
    – Sans moi tu serais mort.
    – J’en conviens.
    – Sans épée en Avignon, la nuit !… Cette cité n’est autre qu’un bordeau, sauf le Palais depuis la venue du nouveau pontife.
    – Que fais-tu céans ? Vis-tu ici ? A proximité ? Où est Oriabel ?
    Tiercelet souriait toujours. Cependant, Tristan ne se méprenait pas : ce sourire ambigu n’était qu’une grimace. Un désarroi terrible s’inscrivait peu à peu sur cette face ombreuse dont les yeux secs s’embuaient.
    – On va en parler. Marchons un peu… Je te raccompagne… Sais-tu qui voulait ta mort ?… Non  ! … Eh bien, je te le dis tout net : une femme… Une Jeanne que tu as certainement enconnée.
    – Je n’ai rien d’un presbytérien.
    – Sais-tu qui elle est ?… Non  ! … Tu ne sais rien d’elle ?… Eh bien, c’est Jeanne première, la comtesse de Provence. La reine de Naples !… On a raconté ici, depuis peu, que Jean le Bon la voulait épouser. Ce sont là des sornes en provenance de Paris… Outre que tu peux imaginer le couple qu’ils formeraient, si la belle consentait à coucher avec ce bardache, sache que la Jeanne est mariée ou fiancée, je ne sais, avec le roi de Majorque (245) .
    – Jeanne, cette…
    Le mot sécha sur les lèvres de Tristan. Tiercelet ricana silencieusement :
    Tu as dû t’en payer pour qu’elle te veuille mort.
    C’était bien de Tiercelet ce ton moqueur et paternel.
    – Une nuit… Oriabel n’en saura rien. Je connais ton amitié. D’ailleurs, j’ignorais que je te rencontrerais. J’en avais perdu l’espérance. Tu ne peux savoir combien mon cœur a battu quand je t’ai entrevu ce matin !… Tu as fui, cependant…
    Je venais d’être engagé pour t’occire. Il ne fallait pas qu’on nous voie ensemble.
    – Tu penses à tout comme autrefois.
    Tristan attira contre lui cet homme fort, généreux, prodigue en amitié. Le brèche-dent non seulement se laissa faire sans mot dire, mais, bien que malaisée, son étreinte fut forte,

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