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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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la surface. Sourd et décidé, Archiac apparut, l’épée soutenue dans le creux de son coude senestre. Tristan vit l’arme se lever. Il se pencha pour l’éviter – « Ce fumeux m’en veut aussi ! » – mais d’un bond, le perturbateur mania l’estoc en direction de Pommiers dont il perça l’épaule dextre.
    –  Tu l’as voulu !
    Tristan donna un coup de pied féroce dans le ventre du turbulent. Archiac hurla de douleur cette fois. Audrehem et Boucicaut s’interposèrent.
    – Messires, c’est assez : vous profanez ce saint lieu !
    – Je n’ai point commencé, plaida Amanieu de Pommiers dont la main soutenant son épaule blessée teintait de vermillon son gant de chevrotin. J’ajoute que dans cette sainte ville, je suis autant chez moi que je le suis en Gascoigne et que messire Archiac l’est au diable Vauvert !
    Le Gascon remisa son épée au fourreau puis, ôtant son gant taché de sang :
    – Puisqu’il veut mon trépas, qu’il montre son courage !
    Soudain jeté, le gant macula le front et la joue d’Archiac. Il s’élança mais fut maîtrisé par Audrehem et Tristan de Maignelet.
    – Voilà, triompha Pommiers, qui me fait appelant devant témoins, et vous, Archiac, défendant. Bien qu’il me soit désormais malaisé de tenir mon arme, je vous attendrai quand vous voudrez, où vous voudrez !
    – Mardi 50  !
    –  Prochain ? s’enquit Pommiers, abasourdi par un aussi bref délai.
    – Non… L’autre. Le premier mardi de décembre… Je veux, compère, que tu sois en pleine possession de ta vigueur. Ainsi, lorsque je te taillerai en pièces, tu n’auras pas la moindre excuse.
    Le sang poissait la face blême d’Archiac. D’un revers de main, il voulut l’effacer ; il ne fit que l’étaler.
    Boucicaut ricana. Ce serait, dit-il, le mardi 6. On approuva.
    – Devant le roi ! exigea Archiac.
    – Je le lui demanderai, dit Audrehem.
    A peine arrivé, il prenait les rênes d’une situation qui ne le concernait en rien. Maignelet et Boucicaut en furent courroucés et le montrèrent. Le lieutenant du roi usurpait sans barguigner sur les droits du Pape. Or le Saint-Père demeurant coi, il s’arrogeait tous les pouvoirs.
    –  Viens, Robert, dit Tristan, notre présence est inutile.
    L’incident auquel ils venaient d’assister les laissait pantois. Ils devaient réintégrer les ténèbres. Les hommes d’Audrehem les regardèrent passer dans le pourpre de leurs torches.
    – Hé ! Que s’est-il passé ? demanda un sergent.
    – Bah ! fit laconiquement Paindorge.
    Et comme ils marchaient vers le Rhône dont les eaux glauques se piquetaient d’étoiles :
    – Cet Archiac, messire, est un grand félonneux contre lequel le Pape devrait sévir.
    – Si la navrure de Pommiers tarde à guérir, cette épreuve lui sera fatale. Quant au Saint-Père, il m’a fait l’effet d’un homme qui, pour une fois, ne s’ennuyait pas à la messe.
    *
    Le dimanche 27 novembre, Boucicaut fit prévenir Tristan que Sa Sainteté Urbain V réunirait à midi, pour un festin, le roi et la fleur de sa Chevalerie. Le jeune sire de Castelreng se trouvait inclus en icelle. On se rendrait individuellement au palais pontifical en habits de ville et l’on s’attendrait pour franchir ensemble le seuil des appartements du Saint-Siège. Les écuyers n’étaient point conviés. Boucicaut insistait pour qu’on fût digne, sobre, et qu’on se gardât, lors du régal, d’interrompre Jean le Bon et le Pape lorsqu’ils s’exprimeraient.
    Tristan fut un des premiers à attendre, sur la place, la venue de ses pairs grands et petits et à se dire et répéter qu’il méprisait Avignon. Au lieu de découvrir parmi ses murs le forum glorieux du monde spirituel – une seconde Jérusalem –, il avait vu et voyait chaque jour, dans l’impudent étalage de ses richesses, une cité de plaisir et d’infatuation. Sodome et Gomorrhe. Aucune autre ville que celle-ci ne l’avait jusque-là marqué du sceau d’un ennui aussi pesant qu’irréductible. Masse rose et farouche sous le soleil d’hiver, le palais pontifical ne s’égayait d’ouvertures, de tourelles et d’ogives qu’à une hauteur où les échellades eussent échoué. Il n’était point déraisonnable de supposer que des messes singulières avaient été dites dans ce colosse et que des taches rouges avaient éphémèrement poissé les pavements de certaines chapelles. Nulle part ailleurs sans doute, le contraste n’était plus

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