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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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sincère, cependant que son regard devenait fuyant, douloureux.
    – Oriabel ?
    Le brèche-dent n’essaya pas, cette fois, d’éluder la question.
    Viens, marchons… Traversons le pont…
    Ils avancèrent et quand l’obscurité les eut enveloppés, Tiercelet parla enfin :
    – Je n’ai rien pu contre ce trépas.
    Tristan se sentit vaincu.
    – Continue, dit-il avec une avidité cinglante, désespérée. Qu’avez-vous fait à Lyon ?
    – Après ce mariage qui t’a sauvé du bûcher, elle était assurée de ne plus te revoir. Moi, j’avais confiance. Je savais bien qu’un jour tu te délivrerais. Que tu obtiendrais le divorce… Il nous fallait fuir Lyon, fuir les Compagnies et surtout Naudon de Bagerant… Tu sais qu’elle en était en quelque sorte l’otage…
    Une ardeur, maintenant, aiguillonnait Tiercelet. Il allait tout dire, brièvement, paisiblement.
    – Nous sommes allés à pied vers Carcassonne… Je rapinais la nuit pour qu’elle ait à manger, mais elle avait perdu l’appétit. Je voulais gagner Castelreng…
    – J’y ai pensé. J’y ai toujours pensé ! Je savais que ce serait ton idée.
    – J’aurais dû en avoir une meilleure.
    Tristan suspendit sa marche. Une ombre, soudain, emplissait son cœur et son cerveau.
    – Mon père ne s’est-il pas montré bienveillant ?
    – Grandement, d’autant plus qu’il me connaissait… Il a compris qu’Oriabel sortait du commun…
    La respiration de Tristan devenait puissante, rapide. Cent pensées, cent images tourbillonnaient dans sa tête. Il essayait en vain de comparer des scènes imaginées par lui avec celles, réelles, que Tiercelet lui imposait sans pourtant user de détails susceptibles d’accroître son affliction.
    – La seconde épouse de mon père n’est pas autre chose qu’une créature du commun. Elle est la fille d’un lanternier de Mirepoix !
    – Justement… Si ton père s’est révélé tel que je l’avais vu la première fois, cette Aliénor, qui m’avait bien accueilli, elle aussi, s’est montrée hautaine…
    A cause d’Oriabel… – Elle lui a dit et fait sentir, et son fils également Olivier, ton demi-frère –, qu’elle était comme on dit maintenant : une intruse. Adoncques qu’elle devait partir.
    Ainsi, le mauvais sort s’était acharné sur Oriabel. Aliénor s’était conduite avec une présomption indigne. Pourquoi ? Tristan se sentait écœuré, éreinté, endolori par une atroce charge de tambours dans ses côtes.
    – Continue.
    Il avait un moment clos ses paupières brûlantes mais dessous, l’image féline et corrosive d’Aliénor conservait toute sa force et sa maléfique empreinte.
    – J’ai eu tort de les laisser seules quand ton père, qui venait de me prendre pour palefrenier, m’emmenait à l’écurie. Je ne sais ce qu’elles se sont dit. J’ai retrouvé Oriabel toute pâle et n’en ai rien pu tirer d’autre que des «  Laisse-moi  » et «  Cette femme est cruelle  »… Rien d’autre !
    – Ensuite ?
    Tristan se sentait remonter lentement d’un abîme d’horreur tout en devinant qu’il s’y replongerait bientôt.
    – Elle a robé un cheval qui se trouvait dans la cour : le coursier de ton père… J’en ai pris un autre et l’ai suivie de loin : je ne voulais pas l’effrayer. Je pensais qu’elle allait recouvrer la raison…
    – Tu as bien fait… Quoi que tu puisses en penser, j’aimais Oriabel de tout mon cœur.
    Cette expression insignifiante acquérait tout à coup, dans l’esprit ravagé de Tristan, une puissance vierge, violente. Il prit une grande expiration :
    – Continue.
    –  Je l’ai rejointe… enfin presque, après des lieues, au seuil des gorges de… Ah ! Je ne sais plus : près de Peyrepertuse…
    – Les gorges de Galamus… C’est, entre des montagnes rocheuses, un abîme terrifiant…
    – Comme tu dis ! On n’en aperçoit pas le fond… Je l’ai vue sauter du cheval… Marcher… Se pencher… Je lui ai crié : «  Non ! Tu le reverras. » Elle ne voulait rien savoir…
    Cette fois, Tristan les voyait : Oriabel épuisée, éplorée à côté d’un cheval fortrait ; Tiercelet tout proche et qui lui prodiguait des paroles consolantes. Il se mit à souffrir d’une façon différente : plus aiguë, plus absolue.
    – Et puis, elle a sauté.
    Tristan se refusa d’imaginer ce sacrifice. Il haïssait Aliénor, maintenant, après l’avoir seulement détestée. Quel mensonge avait-elle

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