Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
malgré cette compagnie inattendue, inacceptable en toute autre circonstance, Tristan se sentait seul. Il existait une sorte de vide entre lui et ses pairs. Des regards quelquefois effleuraient son visage ; regards de femmes laides pour la plupart. Était-ce Jeanne de Provence qu’il voyait de dos et qui marchait auprès du roi ? Combien de jours, de semaines devrait-il passer en Avignon ? Car impatient ou non de retrouver son trône, le roi Jean se devait d’attendre les rois de Chypre et de Danemark.
    « Je dois revenir à Paris et de là cheminer jusqu’à Gratot. »
    Mais avant, il devait rencontrer Aliénor. Savoir pourquoi elle avait poussé Oriabel au désespoir. Il devinait par quelle géhenne la blonde jouvencelle avait dû passer avant de mettre un terme à ses jours. Il avait froid. Bourdonnements. Toux. Éclats de voix. Déjà, sans que l’on eût pinté, des visages prenaient la teinte vineuse des briques dont le palais épiscopal se composait. Pour le moment, l’on se trouvait dans un tinel où çà et là brillaient les fers des armes d’hast des papalins, mais une porte s’ouvrit. Il y eut des chuchotements : on allait passer dans les appartements de Benoît XII (253) .
    Tristan pénétra dans une grand-salle de parement que semblait doubler un second tinel.
    – La première, dit Archiac, est destinée aux gens qui demandent une audience, l’autre à la réception des visiteurs. De la chambre de parement, on accède à celle du souverain pontife et à son étude, incluses l’une et l’autre dans ces deux tours qui, du dehors, semblent presque se jouxter. Mais voyez !
    La foule s’écartait et des tables dressées se présentaient, disposées en fer à cheval, toutes revêtues de blanc et couvertes d’une vaisselle qui faisait s’exclamer certains chevaliers tout en exorbitant leurs yeux.
    – L’or et l’argent, reprit Archiac. Si ce qu’on nous sert là-dedans n’est pas délicieux, eh bien, ce sera un crime !
    Des huissiers distribuaient les places. L’intrusion de tous ces hommes d’armes leur donnait crainte et malaise. Ils les ac cueillaient avec des gestes prompts et ronds, des sourires figés comme ceux des statues placées entre des fenêtres : saint Michel et saint Georges. Mais pouvait-on se courroucer que le Patron des guerriers de France fut en compagnie de celui des Goddons, leurs visages inclinés l’un vers l’autre et leurs yeux vides comme énamourés ? Nul ne s’en souciait. On admirait les écuelles, les pichets scintillants, les barils rangés le long d’un mur, chacun reposant sur des tenailles de bois ; on regardait les fresques : toujours un pauvre cerf poursuivi par des chiens dans une forêt insondable. Le Pape s’était installé prés du roi, à l’extrémité de la salle, derrière une table de part et d’autre de laquelle venaient buter les deux autres. Des bancs crissèrent. Des femmes prirent place et s’observèrent. Tristan s’assit. Archiac en fit autant à sa dextre. Un homme s’approcha :
    –  Permettez ?
    – Volontiers.
    Et quand le convive eut occupé le siège à senestre :
    – Mon nom est Tristan de Castelreng.
    – Guy d’Azai, sénéchal de Toulouse.
    – Et moi Foulques d’Archiac.
    On se sourit. En face, à l’autre table, il y avait Artois et Boucicaut apparemment gênés d’être côte à côte ou déçus d’avoir été placés loin du roi. Les bruits s’atténuaient. Des serviteurs en livrée passaient entre les tables et plaçaient, de loin en loin, des corbeilles de petits pains dans lesquelles, déjà, des voraces puisaient sans même que le roi eût fait un geste, sans même que leur écuelle fût emplie.
    On servit un pâté. Archiac y goûta et fit une grimace :
    – On dirait de la conclude (254) .
    Tristan sourit :
    –  C’est ce qu’il vous faut. Vous devriez en manger chaque jour pour être le meilleur devant Pommiers.
    – Point besoin de cela… En tout cas, je ne le vois pas parmi nous. Un allié des Goddons. Manquerait plus qu’il ait l’audace de nous offenser.
    – N’est-ce pas Jean Maillart ? demanda Guy d’Azai en désignant, de la pointe de son couteau, un homme grand et maigre au nez de buse.
    – Non sans doute, dit Archiac. Jamais le roi ne souffrirait sa présence.
    – Et l’autre, le gros, pas très loin ? N’est-ce pas Pépin des Essarts ?
    – Cela se pourrait, fit encore Archiac. Il peut avoir été admis parmi nous à cause de sa prouesse à

Weitere Kostenlose Bücher