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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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eux… Rejoignons-les.
    Ils avancèrent coude à coude, saluèrent Artois, Tancarville, Boucicaut, Dammartin, Maignelet, tous contagionnés par le goût de la parure qui sévissait dans la cité papale. Il y avait çà et là du brocart, du camocas, du mactabas, du nachiz 51 . Tristan put entrevoir quelques dames parées comme des Vierges de cathé drale, coiffées de huves de grand prix maintenues par de longues épingles d’or et d’argent plantées dans leur crinière. Aucun cheveu ne devait paraître sous cette coiffure, de sorte qu’elles s’étaient fait épiler et même raser le haut du front.
    Arnoul d’Audrehem apparut le dernier. Ainsi était-il certain d’être remarqué. C’était un homme grand et gras, d’une maturité hautaine et dont le visage poilu, couperosé, répandait autour de lui un sourire de satisfaction de soi qui n’appartenait qu’aux monarques. Or, en Langue d’Oc, n’en était-il pas un ? Et même plus : un despote puisqu’il disposait de tous les pouvoirs. Sous des sourcils noirs parfilés de blanc, ses yeux d’un bleu si pâle qu’on eût pu les croire morts semblaient vouloir fasciner tous ceux sur lesquels ils se portaient l’espace d’un éclair. Et sa bouche goulue augmentait son sourire pour atteindre cette insolente fixité que Tristan lui connaissait depuis sa querelle avec Jean de Clermont, à Poitiers.
    Sous sa chaucemante 52 de cariset 53 vermeil doublé de mouton, il était vêtu simplement, mais de velours ciselé, dit de Gênes, d’une couleur d’un vert profond, presque noir, aux reflets nacrés. Il portait, comme Archiac, des heuses de daim hautes et pour rien au monde, sans doute, il eût abandonné ses éperons d’or. Quelques cheveux gris sourdaient de son chaperon noir sans cornette. Ainsi, il semblait plus un juge, un bourgeois ou un marchand qu’un guerrier.
    – Ah ! Vous êtes là, vous…
    Voix neutre, regard indifférent – du moins en surface –, sourire pincé.
    –  Il feint de ne pas connaître votre nom, dit Archiac.
    – S’il savait que je m’en moque comme de mes premières braies… Il ne m’aime pas comme on n’aime pas les témoins à charge.
    Fût-ce Audrehem qui donna le branle ? Traînant les pieds, les chevaliers avancèrent entre deux rangs de curieux et de curieuses dont il était évident que ces dernières souhaitaient un regard, un sourire, un salut, un baiser de la main. C’était un éblouissement de parures, les unes mouvantes, les autres immobiles ou presque, et l’on entendait tinter les épées et les éperons ainsi qu’un sourd murmure d’hommes s’interrogeant sur ce qu’il adviendrait d’eux-mêmes et de leur estomac. L’orgueil et la gourmandise étant des péchés capitaux, il eût fallu, devant le Pape, éviter l’ostentation et contenir l’envie de se mettre à table, mais comment fournir à un cortège d’outrecuidants une leçon de décence ? Tristan fut certain que quelques-uns s’enivreraient jusqu’aux vomissements. Il en avait été ainsi lors de l’instauration de l’Ordre de l’Étoile, et la plupart des prud’hommes admis à la table du roi en avaient robé les couverts d’or et d’argent.
    Du roi, justement, il voyait la couronne sommant un galeron noir, et parfois, lorsqu’il fallait gravir un degré, la nuque aux cheveux longs, clairsemés, dont le roux, depuis Poitiers, était devenu grisâtre.
    Le Pape, en robe et calotte blanches, apparut et s’inclina comme devant son maître. Le roi Jean ne remua que le cou. D’un geste, le Saint-Père introduisit ses invités dans une cour dont la porte principale s’était ouverte comme par miracle devant lui et son hôte solennel. La cohue soudain bruyante se contracta pour avancer dans une pièce où, tout occupé à jouer des coudes, Tristan ne fit qu’entrevoir des colonnes et des luminaires qui semblaient d’or.
    – Je suis venu une fois, dit Archiac, soudain privé de son habituelle fierté. Je connais la tour de la Campagne, celle qu’on nomme Trouillas et la Saint-Laurent. Le défunt Clément VI m’a reçu dans la tour de la Garde-Robe. C’est beau !
    – Quoi ?
    – Les murs… Un fond d’arbres et devant des enfants qui jouent. L’on voit aussi des hommes occupés à pêcher, à chasser à l’appeau, au faucon ou à courre. Le cerf est poursuivi par une grande meute…
    Si Archiac espérait une question sur l’événement qui l’avait conduit jusqu’au Pape, il devait être déçu. En fait,

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