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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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A quoi bon se le demander : en s’exprimant devant elle, il avait éprouvé, à défaut de celle qui lui serait toujours refusée, une félicité dont il devait encore s’émoustiller.
    – Ma femme est morte hors de ma présence, messire.
    Allait-il devoir expliquer pourquoi et comment il avait épousé Mathilde ? Raconter sa captivité à Brignais en surveillant son récit pour ne pas y inclure Oriabel ? Dire comment il avait dû combattre parmi les routiers assiégés afin de conserver sa vie ? Narrer comment il avait été pris et comment, alors que conduit au bûcher de Lyon avec quelques prisonniers, Mathilde de Montaigny, arguant d’un antique usage, l’avait arraché à la mort en décidant de le prendre pour époux ? Ajouter de quelle façon il avait été traité une fois dans les murs du château de la dame ?
    –  Parlez !… Je veux savoir. N’en ai-je pas le droit ?
    Tristan hésita. Cette vérité qui ne le préjudiciait en rien lui faisait peur. Quels que fussent les mots dont l’emploi étançonnerait sa plaidoirie, ils seraient comme vermoulus. Et qu’avait-il à se défendre dans les circonstances présentes ?
    –  Messire, dit-il enfin, j’ai l’esprit et le corps tout aussi purs que les vôtres. Je n’ai pas meurtri mon épouse bien qu’elle eût été, pendant de longs mois, ma geôlière. Envoyé chez les routiers par le roi Jean afin de voir si Charles de Navarre n’allait pas conclure avec eux une alliance dont le royaume tout entier eût souffert, je me suis trouvé coincé, à Brignais, dans cette bataille qui fut le désastre que vous savez. Un chevalier qui m’avait en détestation m’a désigné comme traître et je n’ai pu me disculper de cette accusation bien que Gérard de Thurey, le maréchal de Bourgogne, fût venu à ma rescousse. Alors que j’étais conduit au bûcher, une femme a excipé d’une coutume qui, à Lyon, ne souffrait pas de manquement : elle exigea de m’épou ser afin de m’épargner une mort imméritée. Vous eussiez accédé à son désir si vous vous étiez trouvé à ma place.
    – Et cette Oriabel ? Est-elle morte elle aussi ?
    Tristan se détourna. Luciane était là sans qu’il eût perçu son approche. Aussi nette et blafarde que son père dans l’ombre moite de l’écurie. Des paillettes de colère avivaient son regard et sa bouche formait une lippe inquiétante.
    – Oriabel et Tiercelet furent pris et conduits à Brignais en même temps que moi. Nous ne nous sommes plus quittés, sauf lors de la bataille.
    C’était la vérité. Cependant, le père et la fille s’étaient consultés d’un regard : ils doutaient. Leur parenté s’affirmait dans la colère plus encore que dans la bonace. Tristan se sentit regardé comme un animal familier qu’une mue soudaine eût rendu répugnant.
    – Je vous ai parlé d’elle.
    – C’est vrai.
    – Allez-vous penser que je l’ai occise afin de dégager le chemin qui m’a reconduit à Gratot ?
    Il riait. Il vit reculer la pucelle et ne s’en courrouça pas.
    – Me croyez-vous capable d’une pareille infamie ?
    Il avait rêvé qu’ils jetteraient à la face des gens non seulement leur jeunesse rieuse, mais aussi leur bonheur intime. C’eût été la victoire d’une vie différente des autres, les préjugés éliminés, les conventions assourdies ou rejetées, l’envol triomphal d’une passion partagée avec une équité rare. Une vie certes soucieuse des contingences, mais libre, en quelque sorte, de toutes les pesanteurs qui vieillissaient prématurément un couple. Le lien le plus précieux auquel il tenait, c’était l’indépendance des idées, des mouvements, des opinions. Luciane lui avait semblé digne de lui par sa beauté, son courage et la ferveur plus encore que l’admiration qu’elle vouait à son père. Y avait-il jamais eu entre eux une entente complète, une conformité parfaite de leurs cœurs et de leurs esprits ? Non, sans doute, puisque, à la première fissure et pour des faits d’où elle était exclue, elle devenait son accusatrice.
    – Je crois vous en avoir assez dit sur Oriabel… Vous semblez m’intenter un procès, me reprocher d’avoir vécu des événements qui ne vous lèsent en rien puisqu’ils précédèrent notre rencontre. Me suis-je permis de vous reprocher votre vie en Angleterre ?
    –  Oh ! Qu’allez-vous suggérer, s’indigna Ogier d’Argouges. Que ma fille s’est corrompue auprès de Jeanne de

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