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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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que Malaquin. Tachebrun et Alcazar dans leur parclose, maugréait parfois Paindorge.
    Oui, acquiesçait Tiercelet, mais quand ils dénoueront la longe, quel galop !
    Connaissant la nature profonde du brèche-dent, Tristan se demandait s’il accepterait longtemps cette existence molle, inactive, parmi des gens dont il avait un mépris exempt de ségrégation. Qu’ils fussent nobles, soudoyers, meschins (326) , palefreniers, ils servaient ostensiblement la Couronne.
    – Moi, Tristan, disait-il parfois, je me suis mis à ton service. Si je t’aide à plaisir, je ne t’obéis pas. Comprends-tu la nuance ? Je ne me tiens pas pour vassal comme toi, d’un roi faiseur de malheurs et d’un dauphin dont je crois l’esprit retors. Je me trouve en trop bonne santé pour dire Amen à ces malades.
    Tristan trouvait simpliste cette rhétorique dont, parfois, il sentait cependant l’aiguillon. Il en riait : il avait grand besoin de gaieté.
    Bien que tout concourût à ce qu’il fût d’une sérénité parfaite – le soleil, la liberté, conséquence de l’inactivité inhérente à l’attente d’une décision qui tardait à venir, il demeurait sous l’influence de sa rupture avec Luciane. Lorsqu’il ressentait trop cuisamment le feu de la cicatrice, il usait d’un palliatif qui n’était point de ceux qui endorment la douleur, mais de ceux qui l’exaltent : il sellait Alcazar et tous deux s’en allaient galoper en forêt. Il goûtait alors la volupté de regarder les arbres et d’entendre les oiseaux. Aucun chant ne paraissait plus beau, plus apaisant que leur ramage. Ni Paindorge ni Tiercelet ne revenaient sur les circonstances auxquelles ils devaient leur départ de Gratot. Seul le brèche-dent avait soupiré en arrivant à Cou tances et en se retournant une dernière fois : « C’est dur pour toi, compère, mais je crois que tu as eu raison. » Puis, après un long silence : «  Si elle t’aime, eh bien, elle te reviendra. » Voire…
    Tristan répugnait aux confidences. C’eût été s’amoindrir que de s’y abandonner. Luciane hantait son esprit et son corps. Thierry, Raymond, Guillemette également. Auprès d’eux, il avait trouvé non seulement une sorte de famille, mais une communauté, un asile, un réconfort. Il craignait encore, il craindrait toujours, que des malandrins de n’importe quelle espèce vinssent assiéger Gratot. Quant à Ogier d’Argouges, il le plaignait de s’être montré si prompt à disputer d’un passé qui ne le concernait pas. Ni même sa fille. La vie conventuelle avait faussé son jugement. Il était épris d’absolu, de pureté, mais ne différenciait plus, dans la cohue des sentiments humains, ceux qui méritaient d’être condamnés de ceux qui nécessitaient l’indulgence. Avoir été près de quinze ans vassal du Christ, avoir souffert sans doute maintes fois de ce servage, avoir refoulé ses passions et ses naturelles appétences : cette sujétion, cette peine et ces restrictions avaient fait de cet homme une espèce de saint égaré sur une terre de plus en plus inhumaine. Lorsque l’antique loi du mâle s’était régénérée en lui, ç’avait été pour éviter à sa fille d’être subjuguée par un autre mâle. Fallait-il s’indigner ou le plaindre d’être un père possessif ? Il avait une excuse : ces longues années d’inutiles macérations où il avait prié, parfois du bout des lèvres, afin que la Providence lui restituât Luciane.
    Pour sa part, Tristan savait qu’il éteindrait d’une seule façon les brûlures de sa mémoire : en reprenant les efforts turbulents des batailles. En moissonnant les vies ennemies pour protéger la sienne, l’oubli, infailli blement, viendrait. Certes, c’était affreux de méditer ainsi, mais il ne connaissait aucun autre remède.
    Si les échos des événements filtraient indifféremment à travers les murs de Vincennes et ceux des tavernes circonvoisines, les jeux guerriers qu’on y commentait paraissaient terriblement embrouillés. Les basses manœuvres de Charles le Mauvais pre naient, où que l’on fut, un large avantage sur les prouesses de Guesclin. Bien qu’il eût subi quelques revers, le petit roi de Navarre semblait d’une aptitude malicieuse à triompher des haines et des vengeances qu’il avait provoquées.
    L’intérêt de Tristan se portait avant tout sur la Langue d’Oc. Ce qu’il en apprenait concernait toujours les Compagnies et le maréchal d’Audrehem. Les

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