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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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revenu… Allez donc loger à Vincennes.
    Restait à s’incliner avant de rejoindre Sacquenville.
    A peine sorti du palais, le Normand prit les rênes de son cheval des mains de son écuyer auquel il intima de demeurer en retrait, puis il partit au trot vers la berge de la Seine. Tristan l’y suivit après avoir prié Paindorge et Tiercelet de rester en arrière.
    Les deux chevaliers mirent pied à terre et chacun menant sa monture par la bride, ils firent quelques pas le long du fleuve.
    – Quel beau coursier avez-vous là !
    – Oui, messire…
    A quoi bon raconter, se dit Tristan, comment Alcazar était devenu sa propriété. Mieux valait s’informer :
    – Monseigneur le dauphin semble avoir la migraine… Sommes-nous proches d’une autre guerre ?
    – Je ne saurais vous répondre sur ce sujet. Les maux de tête de Charles de Normandie semblent avoir une cause plus frivole… Hé oui !… Il s’agit de la venue céans du roi de Chypre… Dites-vous que le roi Jean, en Avignon, a vidé le trésor… de Paris !… Guesclin exige de l’or. Celui que le dauphin lui doit et celui qu’il juge nécessaire pour bouter les Goddons et les Navarrais des places qu’ils occupent… Il est question, si ce n’est fait déjà, d’emprunter aux Juifs et aux Lombards… Avez-vous vu comment l’on vit au Louvre et un peu partout chez les prud’hommes et leurs frisques épouses ? Les joyaux gros et fretables 90 , messire, la magnificence, la pertintaille hors de prix !
    – J’ai vu. J’en suis consterné.
    – Moi aussi… Le maréchal qui, lui, est un homme simple et de sens rassis, m’a dit qu’au commencement de chaque année, il ne fallait pas moins de cinq mille six cent quarante ventres de menu vair pour fourrer les robes des chambellans de monseigneur Charles qui vient, vous avez ouï ses propos tout comme moi, de nous exhorter à la modération… Or, il a décidé d’accorder à Pierre de Lusignan une réception comme oncques n’en vit !… La duchesse Jeanne, son épouse, portera un chapel de perles brodé d’or. Le prince Charles vient de racheter à Benoît Belon une ceinture que jadis sa mère, Bonne de Bohême, avait mise en gage… Il fait monter par deux orfèvres : Claux de Fribourg et Jean de Picquigny, des hanaps d’or émaillé à ses armes, des aiguières d’or fin, des ceintures d’or constellées de perles, de balais (324) , de pierres précieuses avec une figure de fée pour agrafe…
    – Est-ce tout ? A vous voir, il ne le semble pas !
    Non… Il a passé commande d’un chapel d’or avec émeraudes, balais et grosses perles. D’une jarretière sur un tissu de soie inde cousu d’or, de perles, diamants, balais… Une gibecière ornée de perles avec des broderies d’or représentant des dauphins… Vingt tableaux à la gloire de la Sainte Vierge… Une grande châsse en or pesant, avec les reliques : cent quatorze marcs (325) .
    – Tudieu ! Les pauvres gens vont être saignés à blanc…
    Sacquenville eut un ricanement. La fureur y roulait torrentueusement :
    – Dans l’hôtel Saint-Paul où le roi de Chypre séjournera, trois chambres sont préparées. L’une est tendue de soie couleur perse où sont représentées des colombes dans les nuées. Une autre est tapissée de cuir de Cordoue. La troisième est revêtue de velours azuré semé de fleurs de lis d’or… Et j’omettais de vous dire que le dauphin a passé commande d’un sceptre d’or à Hennequin Duvivier, son orfèvre. Il est orné de perles et d’émeraudes…
    –  Comment savez-vous cela ?
    Sacquenville cligna de l’œil – qu’il avait gros et noir, malicieux :
    – J’ai une bonne amie chambrière de Jeanne de Bourbon.
    – Ah !
    – Et pendant ce temps nos armées sont sans soudée 91  !…
    C’était une conclusion acceptable. Sacquenville partit au trot comme s’il regrettait d’en avoir trop dit. Tristan, morose, enfourcha Alcazar.
    – Que te disait-il ? demanda Tiercelet.
    – Que le dauphin est un panier percé.
    – C’est un Valois. Il tient de famille… Où allons-nous ?
    – A Vincennes. Il nous y offre l’hospitalité.
    *
    Logés au-dessus d’une écurie, à proximité de leurs chevaux, et pourvus comme eux d’une nourriture chiche mais convenable, les trois compagnons se trouvèrent bientôt confrontés à une ennemie invincible : l’oisiveté, et à son inséparable allié, l’ennui.
    – Pour le fils du roi, nous ne valons guère mieux

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