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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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Malgré les douleurs de ses mains, il avait tracé ses dernières lettres. Une monnaie d'échange en forme de fable. Une détestation, un mépris comme il n'en avait jamais éprouvé pour son ennemi mort envahit monsieur de Villanova. Henri. Vieux fou. Vil coquin. Nulle excuse ne pouvait atténuer ses fautes.
    Arnoldus souleva le petit panneau de verre qui protégeait la flamme d'une des lampes à huile et en approcha le coin d'une feuille. Il enflamma ensuite la seconde, ne les lâchant que lorsque les flammes lui mordirent les doigts.
    Nul n'apprendrait jamais le nom véritable de cet homme, baigné par la lueur blafarde de la lune qui semblait rendre hommage à la pâleur de son teint. Il serait enterré en terre non consacrée, dans l'anonymat, en damné. Qu'importait s'il l'était vraiment, pourvu qu'il soit vite oublié de tous.
    1 Empoisonneurs.
    2 Hospice. On y entasse les malades sans fortune et les aliénés.
    3 À l'origine, nom donné à tous les sulfates. Plus spécifiquement à l'acide sulfurique.

Abbaye de femmes des Clairets,Perche, février 1308, le lendemain
    Hermione termina le gobelet d'hypocras qu'elle avait demandé la veille avant le coucher et venait de faire tiédir dans l'âtre. La gentille brûlure de l'alcool la rassurait, lui communiquant un courage qu'elle était loin de ressentir. Il ne s'agissait pas de laide poltronnerie. Monsieur de Gonvray n'avait jamais été pleutre. Il aimait à croire qu'il avait hérité du courage des femmes, puisqu'il était une femme. Cette détermination qui s'impose sans tapage ni démonstration de muscle mais par le miracle d'une obstination que rien ne peut étouffer. Certes, Thibaud de Gonvray avait pleinement conscience des risques qu'il encourait. Toutefois, ne pas les affronter eût été déchoir à ses yeux, et il s'y refusait. Pour Jeanne, sa sœur tant aimée, magnifique extravagante qui s'était glissée sans crainte au fond du lit d'une rivière afin d'échapper à un mariage qui l'écartait de son Dieu. Jeanne, déjà presque jeune fille, qui le grondait lorsqu'elle le surprenait dans sa chambre, virevoltant, vêtu de l'une des robes qu'il venait de lui emprunter. Jeanne qui, pourtant, le saisissait sous les aisselles pour tournoyer en le faisant voler. Ne pas penser à Jeanne maintenant. Jeanne avait concentré toute la douceur, tout l'amour du monde. Cette fin de nuit, il devait rencontrer ce qui pouvait se révéler n'être que des fauves.
    Hermione de Gonvray se leva à contrecœur du banc de pierre de l'herbarium et s'approcha du feu moribond. Il lui faudrait bientôt partir d'ici. Que deviendrait-elle ? Elle n'osait y penser. En toute raison, Plaisance de Champlois ne pouvait admettre les arguments de sa fille apothicaire, aussi sincères fussent-ils, et maintenir un homme en déguisement dans une abbaye de bernardines. Hermione avait senti tout le combat, toute la détresse de l'abbesse lorsqu'elle lui avait asséné l'ordre de préparer son bagage. Elle avait perçu son soulagement, lorsqu'une neige providentielle avait barré la route à tous les convois. Reculer pour mieux sauter. Un court répit avant le naufrage. Hermione s'admonesta et se redressa. Allons ! Elle s'était toujours tenue droite, quelle que soit l'adversité. Elle jeta son mantel de grosse laine blanche sur ses épaules et sortit de l'herbarium, tenant une esconce.
    Il sembla à madame de Gonvray que le froid était un peu moins mordant. Elle eut envie de caresser cette épaisse neige, de la remercier pour sa tenace complicité mais se retint d'un tel enfantillage. Elle avança en direction des poulaillers et jeta un regard de commisération à quelques volailles endormies, aux plumes ébouriffées de froid, la tête enfouie sous l'aile. Elle s'immobilisa, avala l'air glacial, bouche grande ouverte. La perfection du silence la grisa. Quelques pas. Hermione n'hésita qu'un instant devant la porte de planches mal ajustées qui fermait la remise. Elle donna du poing contre le panneau et attendit. Peu de temps. À l'intérieur, l'émoi d'un réveil soudain. Des exclamations, des interrogations, le choc d'une escame heurtant le sol. La porte s'ouvrit. Le grand jeune homme trop mince, celui qui tentait de dissimuler ses pouces excédentaires en croisant les bras ou en refermant les mains, se tenait devant elle, l'air ahuri.
    – Madame ma sœur ?
    – Votre pardon pour ma visite bien matinale. Je… souhaitais vous entretenir d'un fait grave avant laudes. Puis-je

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