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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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demeurant, elle avait presque regretté que cet instant ne soit pas celui où Dieu avait choisi de la rappeler à Lui. Ainsi, elle ne quitterait pas les Clairets. Ainsi, son cuisant mensonge cesserait. Elle ne doutait pas que Plaisance lui ferait l'honneur de se débrouiller pour que toutes continuent d'ignorer son véritable sexe. Ainsi, elle reposerait enfin, parmi ses sœurs.
    Qui était, au juste, cette enfante ?
    Alors qu'elle s'était avancée vers le lit où Claire était assise, foulant le beau tapis élimé souillé du sang d'Agnès Ferrand, la fillette, tournant son regard presque aveugle vers l'apothicaire, avait lancé, joyeuse :
    – Monsieur, bienvenue. Je suis si heureuse d'avoir de la visite. Si mes valeureux défenseurs vous ont conduit vers moi, c'est que vous êtes mon ami.
    – C't'une bonne dame de l'abbaye, mon ange, avait rectifié Urdin. Une vraie bonne dame.
    Claire avait considéré Hermione, un sourire surpris aux lèvres.
    – Ah ? Votre pardon, madame, je n'y vois presque rien. C'est bien mieux qu'avant, depuis que mes preux compagnons m'ont conduite ici, mais je ne distingue de vous qu'une forme, assez vague. D'ailleurs, quelle importance ont les formes ? Ce qui compte n'est-il pas ce qu'elles abritent et que fort peu de gens perçoivent ? Ainsi, madame ma sœur, la pathétique cour des Miracles que vous voyez réunie en ce lieu est-elle un des plus jolis concentrés de belles âmes que vous aurez l'occasion de rencontrer.
    Thibaud de Gonvray avait résisté à l'envie de tomber à genoux devant son lit, de lui baiser les mains et de la remercier. Claire avait repris :
    – Voulez-vous que je vous conte notre histoire ? Toutefois, je vous mets en garde, en amitié : il ne s'agit pas d'une tendre fable.
    Deux coups de poing assénés contre la porte de l'herbarium firent sursauter Hermione de Gonvray. Elle s'essuya les yeux et se leva. Sans attendre de permission, à son habitude, madame de Baskerville pénétra, lançant d'une voix guillerette :
    – Le temps s'adoucit. Je gage que la neige fondra enfin sous peu, peut-être même dès le lever du jour. (Elle s'interrompit, détailla sa consœur, et accusa, en inclinant la tête :) Vous avez pleuré. Beaucoup. Pourquoi ?
    – Mes émois ne vous concernent pas, se défendit Hermione.
    – Diantre, si. Du moins, s'ils ont, comme je le crois, un lien avec l'affaire qui nous concerne. (Mary détailla Hermione, son regard descendant lentement vers le bas de sa robe souillée.) D'où sortez-vous ? D'où avez-vous ramené cette odeur fort… désagréable ?
    Madame de Gonvray hésita. Il y avait une telle autorité chez l'Angloise, une telle impertinence que l'idée de la remettre vertement à sa place la tenta. Pourtant, elle le savait maintenant : Mary de Baskerville ignorait la malveillance. Ses jugements péremptoires, ses remarques acerbes, son arrogance, tout naissait d'une sorte de fascination pour le monde et ses processus qui laissait peu de place à la diplomatie. Avant même qu'elle ne réfléchisse à ses paroles, elle s'entendit demander :
    – Avez-vous parfois peur, madame ?
    La question eut l'air de prodigieusement amuser Mary, qui pouffa :
    – Il faudrait être privée de raison pour ne pas ressentir de peur, ne croyez-vous pas ? Tant de dangers nous menacent que je m'étonne souvent d'être toujours en vie. (La tristesse remplaça sa fugace hilarité. Elle hésita, puis :) Toutefois, à l'instar de la douleur, la peur, ses différents dosages s'apprivoisent.
    – Que voulez-vous dire ?
    – Vous le savez, ma chère. Je…
    Mary de Baskerville sembla se retirer très loin en elle-même et son regard myosotis se perdit en un passé qu'elle avait appris à museler sans parvenir à l'effacer tout à fait. Elle poursuivit d'une voix monocorde :
    – Enfante, j'ai eu peur à l'étouffement. La peur ne me quittait pas une seconde. Elle s'accrochait à chaque fibre de moi. N'est-il pas invraisemblable de comprendre un jour que celle qui aurait dû vous protéger souhaite votre disparition au plus rapide et définitif ?
    – Votre mère ?
    – Hum… Au fond, plus que… ma mère, c'était mon impuissance à lutter qui me terrorisait. Jusqu'au jour où plutôt que d'attendre d'elle l'autorisation de vivre, autorisation qu'elle n'avait nulle envie de me concéder puisque j'étais une sérieuse rivale à ses yeux, je me la suis accordée. Ce ne fut qu'une imparfaite rébellion puisque je doute qu'elle

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